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Liberté de presse et secret défense ont fait le ménage: acquittement

18.04.2007

Le tribunal militaire suisse a acquitté, le 17 avril 2007, les deux journalistes et l'ex-rédacteur en chef, suisses, de l’hebdomadaire SonntagsBlick. Selon la mise en accusation du 6 février 2007, un document classé secret-défense, qui avait été publié par le journal, aurait contenu des informations concernant les lieux de détention secrets de la CIA, et il aurait été fait mention des méthodes d’interrogatoire du service de renseignement de l’étranger américain. Les trois journalistes encouraient une peine de cinq ans d’emprisonnement pour «violation du secret-défense» conformément à l’article 106, alinéa 1, du code pénal militaire.

L'acquittement a réjoui les syndicats de journalistes. Comedia l'a qualifié de «victoire d'étape pour la liberté de la presse» car ce jugement brise une longue liste de condamnations à l'encontre des journalistes qui se sont montrés critiques à l'encontre du Département fédéral de la défense ou de l'armée(DFAE) affirme-t-il dans un communiqué.

Débat sur la légitimité du tribunal militaire 

Malgré la clémence de la cour, cette affaire repose la question de la légitimité d'un tribunal militaire pour juger des civils. En effet, traduire des civils devant la justice militaire est une particularité suisse, et n'est possible que lorsqu'il existe une atteinte au secret militaire. Lors du procès, les trois journalistes ont par ailleurs remis en cause la légitimité du tribunal militaire: étant journalistes, ils remplissent une fonction de surveillance dans l'intérêt public et ne sont pas au service de l'Etat.  Le syndicat des médias comedia et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) ainsi que les jeunesses socialistes ont ainsi demandé l'abolition de la justice militaire. 

Protestations à propos de la mise en accusation

Reporters sans frontière (RSF) avait condamné la décision du tribunal militaire. «Nous déplorons que dans une démocratie comme la Suisse l’exercice de la profession journalistique soit menacé» indiquait le communiqué de presse de l’organisation pour la défense de la liberté de presse. Et de rappeler que la Suisse avait été condamnée en avril 2006 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. «Nous espérons vivement que le tribunal militaire rendra un verdict en faveur de la liberté de la presse.»

Pour le journal genevois indépendant Le Courrier, le SonntagsBlick «a fait son devoir en publiant un document secret mentionnant l'existence de prisons clandestines de la CIA en Europe. Il est question, dans cette affaire, de violation des droits humains. On touche le sommet de l'intérêt public, au-dessus de l'intérêt particulier d'un Etat.»

Rappel des faits

L’article du SonntagsBlick publié le 8 janvier 2006 dénonçait l’existence de centres de détentions américains en Europe, en s’appuyant sur un document classifié. Ce fax provenant du ministère égyptien des Affaires étrangères avait été intercepté par les renseignements militaires suisses, puis transmis aux trois journalistes. Une seconde instruction militaire est menée à l’encontre des personnes impliquées dans la transmission des informations. La loi militaire, qui permet les écoutes, aura en tout cas réussi à bloquer le travail des journalistes accusés.

  • Mise en accusation de trois journalistes par la justice militaire pour violation du secret-défense
    Communiqué de presse de Reporters sans frontières (RSF), 7 février 2008 (plus disponible)
  • Manu militari sur le journalisme
    Le Courrier, 8 février 2007

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