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Le Conseil des droits de l’homme accueille les lignes directrices de Ruggie

19.08.2015

Le Représentant spécial des Nations Unies John Ruggie a présenté, le 30 et 31 mai 2011 à Genève, son rapport final devant le Conseil des droits de l’homme. Son travail a le mérite d’avoir permis d’engager le débat sur les violations des droits humains commises par l’économie privée. Une réussite fort appréciée des représentant-e-s des États du Conseil des droits de l’homme. Partant de sa politique des trois piliers (Protéger-Respecter-Réparer), Ruggie est parvenu à mettre en place un cadre de référence permettant de mener un débat sur les violations des droits humains. Cependant, il reste encore beaucoup à faire.

D’après les organisations de défense des droits humains, ce cadre de référence doit maintenant trouver place dans la pratique juridique. C’est l’unique moyen de remédier aux lacunes considérables en matière de défense contre les violations des droits humains de la part des entreprises. Pour parvenir à cet objectif, il faut en outre amener un nombre toujours croissant d’entreprises à prendre conscience de leur responsabilité à l’égard des droits humains et à adapter leurs systèmes de gestion.

Réaction des ONG internationales

Dans une déclaration commune adressée au Conseil des droits de l’homme, la Commission internationale des juristes, Human Rights Watch avec d’autres organisations des droits humains, soulignent l’importance de ce moment clef pour poursuivre l’effort de protection des droits humains en rapport avec l’activité des entreprises. Elles insistent sur le besoin de poursuivre le travail amorcé et sur la nécessité de mettre en place un mécanisme de suivi et d’évaluation robuste, permettant de continuer à thématiser les grandes lacunes en matière de défense des droits humains. Dans leur déclaration commune, ces acteures de la société civile demandent également l’élaboration d’un instrument juridique multilatéral pour sanctionner les violations les plus graves.

Une partie de la société rejette le travail de John Ruggie. C’est le cas notamment de FIAN International ou encore du Centre Europe – Tiers Monde (CETIM), qui demandent aux États du Conseil des droits de l’homme de rejeter les principes directeurs, trop peu contraignants de leur point de vue.

Des consultations au niveau international

Au cours de son mandat, Ruggie a mené 47 consultations avec des États, des entreprises, des investisseurs, des organisations de la société civile et d’autres groupes concernés. Des rencontres locales ont eu lieu, entre autres, à Bangkok, Bogota, Johannesburg, New Dehli, Moscou et Buenos Aires. Au cours de son semestre de présidence européenne, la Suède lança une consultation au niveau européen sur ce sujet et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme organisa une rencontre avec plus de 300 participant-e-s à Genève. Le Représentant spécial travailla avec 19 chancelleries venant du monde entier pour analyser 40 systèmes juridiques et jurisprudentiels différents.

Ruggie apporta les compétences élaborées au cours de ce processus au sein d’autres projets. Il collabora à l’élaboration des principes directeurs pour sociétés transnationales de l’OCDE. Il était présent lorsque l’International Finance Corporation révisa ses standards de performance et aida le Groupe de travail droits de l’homme du Pacte mondial de l’ONU dans l’élaboration d’une liste de «best practices». Il collabora aussi avec la Commission Européenne à l’élaboration d’une règlementation pour les entreprises européennes actives à l’étranger. Il a donné des inputs pour la Section droits de l’homme du Social Responsability Standard (ISO 26000) et il a aussi persuadé la Commission pour le commerce international de l’ONU à augmenter la transparence dans les procédures d’arbitrage, lorsque les droits humains sont concernés.

La Suisse doit réagir aux lignes directrices de Ruggie

Même avant la discussion du rapport final de John Ruggie auprès du Conseil des droits de l’homme, de nombreuses ONG suisses, telles qu’Action de Carême, Alliance Sud, la Déclaration de Berne, la section suisse d’Amnesty International et d’autres encore, avaient demandé à la Suisse un engagement plus fort dans le domaine de l’économie et des droits humains. Elles invitaient la Suisse à profiter de l’occasion pour développer une stratégie nationale en matière d’ «économie, entreprises et droits humains», inspirée des principes élaborés par le Représentant spécial des Nations Unies. Les ONG jugeaient en effet qu’en Suisse, comme ailleurs, régnait un manque de cohérence éclatant entre la politique économique extérieure et la promotion des droits humains dans le cadre de la politique étrangère.

Et maintenant?

Lors du débat qui s’est tenu le 30 et 31 mai 2011 au sein du Conseil des droits de l’homme, les représentant-e-s des États ont salué et soutenu le travail de Ruggie. Au cours de la discussion, l’Argentine proposa un projet de Résolution prévoyant un mécanisme de suivi. Dans une première phase, plusieurs représentant-e-s des États s’exprimèrent en faveur d’un tel mécanisme et Ruggie même suggéra d’organiser par la suite une réunion annuelle pour vérifier l’état de la mise en œuvre de ses principes directeurs.

La structure précise du mécanisme de suivi fut discutée au cours de la 17ème réunion du Conseil des droits de l’homme. À la fin de la session, le Conseil publia une Résolution de faible portée (A/HRC/17/L.17/Rev.1), qui créait un groupe de travail spécifique pour le domaine économie et droits humains. Dans une déclaration conjointe, un groupe d’organisations non gouvernementales, telles que le Cairo Institute for Human Rights Studies, la Commission Internationale des Juristes, le Human Rights Law Center, l’International Federation for Human Rights (FIDH) et l’International Service for Human Rights, s’exprimèrent de manière critique à l’égard de cette décision. Ces organisations étaient déçues de constater que le mandat se limitait presqu’exclusivement aux principes directeurs et invitaient le Conseil des droits de l’homme et le groupe de travail à poursuivre dans la mise en œuvre de ces principes, particulièrement en matière de responsabilité pénale et de réparation.

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