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Brevets contre malades: la justice indienne tranche en défaveur de Novartis

17.07.2009

La Cour d’appel de la propriété intellectuelle de Chennai (Madras, Inde) a annoncé le rejet du recours de Novartis concernant le brevetage en Inde de son médicament anticancéreux Glivec. Ce recours avait été déposé par Novartis, débouté par la justice indienne en août 2007, qui avait en même temps décidé d'annuler tous ses investissements prévus en Inde. La Déclaration de Berne (DB) salue cette décision qui permet aux populations défavorisées de continuer à avoir accès à ce médicament vital et essentiel, grâce à la production de génériques indiens à un coût plus abordable. Le médicamment en question ne permet pas de guérir de la maladie mais stoppe efficacement son développement, pour autant qu’il soit pris à vie. A un coût estimé de 30'000 francs suisses par an pour le traitement – au lieu de 2'000 pour un médicament générique de composition identique – la grande majorité des patients indiens n’aurait pas les moyens de se faire soigner si le médicament de Novartis avait obtenu le brevet.

Verdict de la justice indienne

Le 6 août 2007, la Haute Cour de Justice de Chennai (Madras) avait rendu son verdict dans l'action en justice de la compagnie pharmaceutique contre une section de la loi indienne sur les brevets (voir ci-dessous), indiquant que cette dernière était conforme au droit. Elle confirme la légitimité de cette disposition reconnue par une flexibilité dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la propriété intellectuelle (Adpic) - en 2001, les pays membres déclaraient que les brevets ne devaient pas entraver la santé publique.

Et de fait, la décision indienne profite en premier lieu aux malades d'Inde et dans les pays en développement. Elle est également intervenue la veille de la signature d'un Protocole d'entente sur la propriété intellectuelle entre la Suisse et l'Inde. En Suisse, alors que des organisations de défense des droits humains comme la Déclaration de Berne ou MSF-Suisse saluent la décision de la justice indienne, Novartis la conteste. En dernier recours, une plainte devant l'OMC, avec le soutien de la Suisse, est envisageable. Le débat sur la façon de financer la recherche tout en garantissant l'accès du plus grand nombre est loin d'être clôt.  

"Les malades doivent passer avant les brevets"

La compagnie pharmaceutique Novartis, size à Bâle, avait en effet intenté un procès à l'Inde. Comme elle l’avait fait (avec 38 autres compagnies) en Afrique du Sud en 2001, la multinationale se relance dans une action en justice sur le même sujet et cible, soit de faire annuler une loi sur les brevets destinée à faire diminuer le prix des médicaments, notamment ceux utilisés pour le traitement du sida et en particulier un anticancéreux vital. Une disposition de la loi indienne permet de faire primer les besoins des malades sur les brevets. C’est cette clause de sauvegarde, qui bloque l’octroi d’un brevet à des médicaments qui ne sont pas réellement innovants, que Novartis attaque en justice. L'ancienne présidente de la Suisse Ruth Dreifuss s'est ralliée aux protestations.

Inquiétudes des conséquences

En effet, rapporte l’organisation humanitaire Médecins sans frontière Suisse, «l'Inde produit des médicaments à un coût abordable qui sont vitaux pour un grand nombre de malades dans les pays en développement. Plus de la moitié des médicaments utilisés pour le traitement du sida dans les pays en développement sont actuellement fabriqués en Inde. Ces médicaments sont utilisés pour 80% des 80.000 patients malades du sida suivis dans les programmes MSF de traitement du sida. ».

Si Novartis gagne ce procès, des millions de personnes dans le monde verront se tarir une source de médicaments à des prix abordables. L'action en justice de Novartis va toutefois bien au delà du seul cas de l'Inde, confirme la Déclaration de Berne. «Elle pourrait avoir un impact sur d'autres médicaments génériques essentiels et vitaux, notamment les médicaments contre le sida, ainsi que sur les autres pays en développement qui importent des génériques indiens. L'Inde est le premier fournisseur mondial de médicaments génériques à prix abordable aux pays en développement: environ 67% de ses exportations sont destinées aux pays en développement».

Inde, pays avec le plus grand nombre de séropositifs au monde

En Inde, des milliers de personnes ont défilé dans les principales villes du nord-est du pays pour réclamer des mesures afin de juguler la progression du sida. L'Inde compte 5,7 millions de personnes vivant avec le VIH, soit le plus grand nombre de séropositifs au monde, devant l'Afrique du Sud. Selon l'OMS 30% de la population mondiale n'a toujours pas accès aux médicaments essentiels. 74% des médicaments contre le VIH/sida sont toujours sous monopole (sous brevets).

Documents MSF 

Documents Déclaration de Berne, MSF et Oxfam

Autres sources