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Prostitution: quand les droits humains sont touchés

22.02.2012

 

En Suisse, la protection des prostitué-e-s laisse à désirer. C’est pourquoi plusieurs villes et cantons discutent en ce moment ou viennent de voter des lois pour règlementer la prostitution. Sur le plan fédéral, la prostitution des mineur-e-s devrait bientôt être interdite. Légale pour les personnes qui le font de leur plein gré, la prostitution devient particulièrement problématique sur le plan des droits humains quand elle est liée à la traite d’êtres humains ou si elle concerne les mineurs.

Quels sont du point de vue des droits humains les aspects les plus importants dans le débat pour plus de protection pour les prostitué-e-s?

Dispositions juridiques pour la protection des prostituées

La liberté de se prostituer est reconnue juridiquement en Suisse (art. 27 Cst) et est légale depuis 1942. Les femmes qui décident de leur plein gré d’offrir occasionnellement ou régulièrement des relations sexuelles contre rémunération peuvent le faire en toute légalité. L’Etat est toutefois obligé d’empêcher l’exploitation des prostitué-e-s (art. 6 Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes). La réglementation suisse comprend ainsi de multiples dispositions afin de protéger les professionnel-le-s du sexe (comme les interdictions de la contrainte sexuelle art 189 CP et de l’encouragement à la prostitution art 195 CP). Toutefois, il reste plusieurs lacunes dérangeantes dans la législation.

Les organisations de défense des droits humains comme la FIZ (Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes) voient depuis des années une nécessité d’agir dans la problématique de la traite des êtres humains, en particulier dans le domaine de la protection des victimes. Ce sujet est détaillé sur humanrights.ch dans la rubrique «Traite des êtres humains».

La prostitution de mineur-e-s bientôt interdite

Dans le domaine de la prostitution, il y a d’autres questions problématiques relevant des droits humains. Les organisations de défense des enfants demandent notamment une totale interdiction de la prostitution des mineur-e-s en Suisse. En effet, il est actuellement possible pour des adolescent-e-s de 16 à 18 ans de se prostituer sans que cela soit un délit. Avec l’adhésion de la Suisse à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote), signée le 16 juin 2010, la Confédération doit réviser son Code pénal afin d’inclure la poursuite pénale de toute personne recourant contre rémunération aux services sexuels de personnes âgées de 16 à 18 ans. Selon l’avant-projet du Conseil fédéral, actuellement en consultation, les clients de prostitué-e-s mineur-e-s risqueront jusqu'à trois ans de prison. Les jeunes eux-mêmes ne seront pas poursuivis.

Les travailleuses du sexe ont aussi besoin de protection contre l’exploitation. L’Etat doit s’efforcer à ce que les femmes ne soient pas forcées de se prostituer pour des raisons économiques. Le rapport alternatif de l’Organisation Post Beijing demandait ainsi en avril 2008 à la Suisse qu’elle garantisse pour tous un meilleur accès à l’éducation et qu’elle prévoie des possibilités pour que les jeunes femmes adultes gagnent un salaire minimum. En plus, l’ONG demandait de lutter contre les stigmates sociaux, qui empêchent souvent les prostitué-e-s de s’engager dans une autre activité.

Protection des professionnel-le-s du sexe

Pour la protection des prostitué-e-s, il est élémentaire, selon les experts comme la FIZ, que la prostitution ne devienne pas réglementée par trop de restrictions juridiques. Cela n’entrainerait qu’une augmentation de la prostitution au «gris», et par conséquence une diminution pour de nombreuses prostituées de la protection contre l’exploitation. Les problèmes que se posent les autorités tournent autour des agissements criminels comme la traite des êtres humains, de meilleures conditions de travail et une meilleure protection contre la violence. Les intérêts des riverains sont aussi pris en considération. En Suisse Romande, Vaud (2004), Neuchâtel (2005), le Jura (2010), Genève (2010) et Fribourg (2010) se sont dotés de lois en ce sens. Le Valais, dont l’avant-projet interdit comme à Genève la prostitution des mineur-e-s, légifère en ce moment. La Suisse allemande est en revanche largement en retard, puisque seule la Ville de Zurich s’est dotée début 2012 d’une ordonnance pour compléter le droit fédéral, interdisant entre autres la prostitution des mineur-e-s.

Lacunes dans le droit social

Il reste toutefois des lacunes, en particulier dans les droits sociaux des travailleurs et travailleuses du sexe. La FIZ réclame des règles juridiques appropriées pour améliorer les conditions de travail. Jusqu’à maintenant, les prostitué-e-s ne peuvent pas toujours exiger leur salaire. En cas de querelles, les autorités se réfèrent à l’outrage aux bonnes mœurs du travail, et donc elles ne considèrent pas les accords entre les prostituées et leurs employeurs comme contraignants, ce qui fait qu’elles ne reçoivent pas de soutien pour l’application de leur droit de travailleuses du sexe. De même, les conflits concernant le loyer des chambres ne sont que rarement traités par les autorités. Selon la FIZ, les prostituées devraient pouvoir choisir si elles veulent travailler de manière indépendante ou comme employée. L’organisation pointe aussi les difficultés administratives concernant les contrats de travail, qui poussent les prostituées dans l’illégalité.

Il y a encore d’autres droits humains dont les prostitué-e-s ne peuvent que trop rarement bénéficier: le droit à une assurance maladie et sociale, le droit à la sécurité et le droit de séjour (en Suisse, 75% des prostituées sont des migrantes, dont une importante partie ne viennent pas de l’Union européenne et sont en situation illégales).

Pour le cas particulier des danseuses de cabaret, la FIZ demande des mesures spécifiques comme des contrôles proactifs auprès des cabarets et des agences d’escortes.

Sources

Informations supplémentaires