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Etablissements psychiatriques: l’usage de la contrainte reste problématique

20.09.2022

Actuellement, en Suisse, les personnes en situation de handicap sont soumises à des mesures de contraintes répétées, à des placements forcés dans des établissements psychiatriques et à l’administration imposée de médicaments. L’usage des moyens de coercition étant contraire à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants inscrite dans la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, le Comité des droits des personnes handicapées recommande depuis maintenant plusieurs années l’abolition de toutes formes de traitement médical sous contrainte et de moyens de coercition.

Contribution de la Law Clinic de l’Université de Genève (Véronique Rota et Zoé Huber)

Les difficultés et multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les personnes ayant des troubles psychiques – qui altèrent la perception, les pensées et les émotions – font partie intégrante de la longue réflexion à l’origine de la création de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Cette dernière vise à assurer l’exercice des droits des personnes porteuses de troubles psychiques sur un pied d’égalité avec tou·te·x·s les citoyen·ne·x·s et de préserver leur santé, ce qui comprend l’obligation d’assurer la même qualité de soins aux personnes en situation de handicap. C’est pourquoi, afin d’être compatibles avec les garanties de la CDPH, les Etats doivent abolir les moyens de contrainte et adopter une politique de désinstitutionnalisation.

En Suisse, le recours aux moyens de contrainte est admissible à certaines conditions. La législation actuelle, contraire au droit international, laisse place à de nombreux abus susceptibles d’intervenir dans les établissements psychiatriques. Divers rapports de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), qui procède à la vérification de ces institutions, font état de traitements inhumains et dégradants violant les droits fondamentaux et humains des résident·e·x·s garantis par la CDPH et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Malgré les situations problématiques rapportées dans les médias, le nombre d’enquêtes menées dans les établissements de soins reste faible du fait du manque de ressources financières de la CNPT.

Le placement forcé en institution psychiatrique critiqué

Le placement forcé d’une personne dans une institution appropriée – qui constitue une mesure de privation de liberté non volontaire aussi appelée «Placement à des fins d’assistance» (PAFA) – est autorisé par le droit suisse lorsque, en raison de troubles psychiques, d’une déficience mentale ou d’un grave état d’abandon, l’assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d’une autre manière (art. 426 al. 1 CC). La notion d’institution appropriée inclut les établissements psychiatriques qui comprennent les cliniques et hôpitaux psychiatriques spécialisés (Conseil de l’Europe Rec(2004)10, p. 24) ainsi que les logements tels que les établissements psycho-sociaux médicalisés (EPSM). Selon une étude élaborée sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en 2011, la proportion de placements en institution forcés en Suisse est l’une des plus hautes parmi les 15 États européens étudiés.

La législation suisse réglemente le recours à des moyens de contrainte au sein même de l’institution, plus spécifiquement le traitement sans consentement (art. 434 CC) et les mesures limitant la liberté de mouvement (art. 438 CC, art. 383 ss CC). Toutefois, si le nouveau droit de la protection de l’adulte de 2013 a permis d’uniformiser sur le plan fédéral les conditions relatives à la protection du/de la résident·e·x placé·e·x en institution, ces dispositions ne règlent pas de manière exhaustive l’application de la contrainte (Leuba, Vaerini, p. 308), aussi, les modalités de son usage peuvent différer d’un établissement psychiatrique à un autre. Un appel à projet a été lancé par la Confédération en 2020 pour soumettre les dispositions relatives au placement forcé en institution à une évaluation approfondie. Inclusion Handicap recommande d’interpréter les résultats à la lumière des art. 12 et 14 CDPH (Rapport alternatif Inclusion Handicap, p. 68).

En parallèle, le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) a recommandé en 2022 à la Confédération de supprimer les prescriptions légales autorisant la privation de liberté non volontaire en raison de troubles psychiques ou d’une déficience mentale et, plus précisément, celles autorisant les moyens de contrainte tels que le traitement médicamenteux forcé, l’isolement et les moyens de contention chimique, physique et mécanique (Observations finales, p. 7-8). Il rappelle que la CDPH protège la liberté et la sécurité de la personne (art. 14 CDPH), et interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15 CDPH).

Diverses formes de contrainte problématiques en matière de droits humains

Attaches aux poignets et aux chevilles, ceintures de corps et sangles abdominales, mesures d’isolement, traitements forcés: les moyens de contrainte utilisés dans les établissements psychiatriques suisses relèvent des aspects mécanique, physique, spatial et chimique.

Dans un arrêt du Tribunal fédéral de 2010, les juges avaient condamné la durée disproportionnée de la fixation avec ceinture en cinq points appliquée sur le patient d’une clinique psychiatrique s’étant étendue sur cinq jours consécutifs. Cette pratique consiste à immobiliser totalement la personne à un lit en bloquant ses poignets, ses chevilles et son buste. Dans un rapport de 2019 établi après la visite de l’Hôpital psychiatrique de Cery, la CNPT a relevé avec inquiétude que les agent·e·x·s de sécurité privée étaient parfois également muni·e·x·s d’un bâton tactique, de menottes métalliques ainsi que de gel au poivre. Le recours à des instruments métalliques ou abrasifs avait également été critiqué par le Comité pour la prévention de la torture (CPT) en 2015, qui avait recommandé aux établissements de former le personnel et de ne plus faire appel aux agent·e·x·s de police (rapport 2015, p. 69).

Des cas de mauvais traitements ont été mis en lumière lors du congrès de 2019 organisé par le Groupe d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP) sur le thème de la contrainte en psychiatrie. Des personnes concernées par le placement en isolement ont raconté avoir été dérangées par la lumière allumée de jour comme de nuit, de n’avoir eu à leur disposition qu’un matelas posé au sol et d’avoir été contraintes de manger par terre, car privées de table et de chaise. Certain·e·x·s patient·e·x·s racontent également avoir été déshabillé·e·x·s de force et contraint·e·x·s de porter des vêtements les empêchant de couvrir leurs parties intimes lorsqu’ils/elles s’asseyaient. D’autres ont critiqué le manque d’intimité, racontant avoir dû faire leurs besoins dans un seau sous la surveillance d’un·e·x agent·e·x de sécurité, cette expérience ayant provoqué chez eux/elles un fort sentiment d’humiliation et de déshumanisation. Des restrictions concernant l’accès aux toilettes se trouvant dans une pièce adjacente ont également été relevées par la CNPT.

L’isolement, loin d’être un bienfait thérapeutique

Lorsqu’il est question d’assurer la sécurité et la protection des patient·e·x·s et des tiers, la pratique suisse repose encore largement sur le placement en isolement en chambre de soins intensifs (CSI), aux dépens d’autres moyens tels que la prise en charge par un·e·x membre du personnel médical (rapport un à un) ou l’accompagnement dans une aile ouverte aménagée de l’établissement, isolée des espaces partagés. Selon la législation, les moyens restreignant la liberté des résident·e·x·s doivent être appropriés et strictement nécessaires au but recherché, qui doit être de nature sécuritaire (art. 383 CC). Aussi, la marge d’appréciation des institutions est particulièrement grande.

Une étude menée par la Swiss Archives of Neurology, Psychiatry and Psychotherapy sur l’emploi de moyens de contrainte en psychiatrie apporte une appréciation mitigée sur les effets prétendument thérapeutiques d’un placement à l’isolement. Elle souligne que la reconnaissance par certaines personnes concernées des bienfaits qu’un tel placement leur apporte, à savoir le sentiment d’apaisement ou de reprise du contrôle, s’accompagne toujours de la dénonciation de l’expérience traumatisante et de la souffrance qu’elle a engendrées. Les personnes interrogées déplorent une attitude centrée sur la sécurité, bien loin d’une approche bienveillante – les attitudes d’irritation ou d’ennui du personnel soignant pouvant avoir un réel impact destructif sur le mental des patient·e·x·s. Les effets néfastes des moyens de contrainte ressortent également de recherches menées par la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable du Conseil de l’Europe. Celles-ci font état de détérioration de la qualité de vie des personnes concernées, de traumatismes physiques et psychiques, d’une diminution de l’adhérence au traitement, de la peur, de la souffrance, de l’humiliation, de la honte, de la stigmatisation et de l’auto-stigmatisation. Il résulte de la jurisprudence suisse (ATF 134 I 209, placement en isolement illicite), des enquêtes menées au sein des établissements psychiatriques (CNPT rapport Cery, 2019; CNPT rapport HUG, 2018; CNPT rapport SPU de Berne, 2016) et des témoignages recueillis durant le congrès du GRAAP, notamment, que les atteintes à la dignité humaine et les pratiques constitutives de traitements inhumains et dégradants au sens des art. 3 CEDH et 15 CDPH sont encore bien présentes.

L’utilisation illicite de la chambre d’isolement a en outre été relevée à plusieurs reprises. Une personne placée en isolement s’était vu confisquer tout effet personnel à l’exception de la Bible, ce qui a été considéré par le Tribunal fédéral comme moralisateur et punitif et ainsi constitutif d’une violation de l’art. 50 al. 4 LS/GE. Cette disposition condamne, dans les institutions, toute pratique de l’isolement revêtant un caractère carcéral, c’est-à-dire à but disciplinaire et non sécuritaire (ATF 134 I 209). Un rapport élaboré par le Département de Psychiatrie du CHUV a également révélé que, pour des raisons de suroccupation, les CSI étaient parfois utilisées comme chambres d’appoint pour les résident·e·x·s, que ce soit durant la nuit ou le jour, et ce même si les conditions légales, à savoir l’absence de trouble de la vie communautaire ou de grave danger pour la vie (art. 383 CC) n’étaient pas remplies. La CNPT avait également soulevé ce problème lors de sa visite à l’hôpital psychiatrique de Cery.

Le manque d’information autour du traitement médicamenteux forcé

En droit suisse, le traitement médicamenteux forcé est envisageable si les conditions de l’art. 434 CC sont réunies. Selon cette disposition, en l’absence de consentement de la personne concernée, le traitement sous contrainte ne peut être ordonné que si cette dernière est incapable de discernement, si elle présente un danger grave pour elle-même ou pour un tiers et si une mesure moins incisive ne peut être envisagée. Le traitement sous contrainte doit être prévu par le plan de traitement (art. 434 al. 1 CC) établi par le/la médecin traitant·e·x et la personne concernée au moment de l’admission dans l’établissement psychiatrique (art. 433 CC). La personne faisant l’objet d’un placement ou d’un traitement involontaire ainsi que sa personne de confiance sont alors informées de la décision prise par le/la médecin et des voies de recours à leur disposition (art. 434 al. 1 et 2 CC; Conseil de l’Europe, Rec(2004)10, Art. 22 §1 et 2). La communication avant, pendant et après l’application d’un traitement sous contrainte est d’une importance majeure, car une bonne communication contribue à limiter, voire à éviter le recours au traitement forcé (Directives ASSM, Mesures de contrainte, p. 15).

Or, dans son rapport d’activité de 2016, la CNPT a noté l’absence systématique de plans de traitement et la documentation lacunaire de plusieurs décisions de traitement forcé. Dans le rapport faisant suite à la visite de l’Hôpital psychiatrique de Genève de 2018, la Commission a en outre constaté que, bien que la majorité des cas disposait de plans de traitement, certains n’avaient été élaborés que plusieurs semaines après l’admission de la personne concernée dans l’établissement.

Selon des informations transmises par Pro Mente Sana et le GRAAP, l’un des nombreux problèmes à régler est le manque d’information autour des plans de traitement, qui ne sont pas discutés, négociés ou compris par les personnes placées dans des établissements psychiatriques. En conséquence, les patient·e·x·s ne savent pas s’ils/elles ont négocié un plan de traitement et si ce dernier respecte les conditions de l’art. 434 CC. Les personnes concernées n’ont que rarement conscience du fait que seul le plan de traitement peut faire l’objet d’une mesure de contrainte (art. 434 CC) et qu’elles peuvent s’y opposer lorsque celle-ci ne figure pas dans le plan (art. 439 CC). Les traitements médicamenteux sont souvent appliqués sous le chantage et/ou sous la pression du personnel soignant. Les patient·e·x·s peuvent ainsi être amené·e·x·s à accepter un traitement en pensant que celui-ci est une condition à leur sortie de l’institution.

Le passage à un système de décision assistée nécessaire

Le postulat « Pour un respect intégral des droits des personnes handicapées » déposé en 2020 demande au Conseil fédéral d’examiner les moyens à mettre en place pour se conformer à l'exigence de respect de l'intégrité mentale des personnes handicapées sur la base de l'égalité avec les autres (art. 17 CDPH). Le CRPD demande le passage à un système de décision assistée qui garantit le respect des droits, de la volonté et des préférences de la personne (CRPD, Observation générale n°1, p. 6). 

Les directives anticipées (art. 370 CC) sont un moyen d’expression de la volonté d’un individu. Elles ont pour but de déterminer les traitements médicaux auxquels celui-ci consent ou non, dans l’éventualité où il deviendrait incapable de discernement. Elles permettent de désigner un·e·x représentant·e·x thérapeutique qui a pour tâche de faire valoir la volonté du/de la patient·e·x. Lorsque l’incapacité de discernement survient, les directives anticipées respectant les dispositions légales doivent en principe être suivies par l’équipe soignante (art. 372 al. 2 CC). Cependant, le droit suisse se base encore sur un système de décision substituée qui limite le respect de la volonté de la personne placée à des fins d’assistance pour troubles psychiques. En effet, dans un tel cas, le personnel médical a uniquement l’obligation de prendre en considération les directives anticipées du/de la patient·e·x et non de les respecter, étant précisé que toute représentation par un tiers est exclue. De plus, la justification du choix du/de la médecin de s’écarter des directives anticipées n’est pas requise en cas de placement à des fins d’assistance, ce qui est le cas lors d’une hospitalisation volontaire. En conséquence, l’institution d’accueil et le/la médecin traitant·e·x disposent d’une marge de manœuvre importante dans l’application du traitement (Meier, N 1275 et 1276). S’ajoute à cela le fait que, en pratique, peu de personnes rédigent des directives anticipées et que, dans l’éventualité où aucune personne de confiance n’a été désignée, c’est de facto l’équipe médicale qui décide pour elles. De plus, selon des informations transmises par Pro Mente Sana, lorsque des directives anticipées sont rédigées, c’est souvent sous l’influence du/de la médecin. 

Ces pratiques sont incompatibles avec les exigences de la CDPH. Les médecins et professionnel·le·x·s de la santé, y compris les psychiatres, doivent impérativement obtenir le consentement libre et éclairé des personnes en situation de handicap avant de les traiter (CRPD, Observation générale n°1, p. 12). Comme vu précédemment, il peut être exprimé dans une directive anticipée ou donné par un représentant thérapeutique au nom de la personne concernée en cas d'incapacité de discernement. Il s’agit de s’assurer qu’une décision soit prise volontairement, sur la base d’informations compréhensibles et suffisantes, et que le corps soignant qui accompagne la personne concernée ne se substitue pas à elle dans la prise des décisions la concernant ni n’exerce une influence abusive sur ses choix (Position du SPT sur les droits des personnes placées en institution, p. 3; CAT, Rapport annuel 2012/13, p. 38 et 117). Un changement de paradigme vers un régime de prise de décision assistée est nécessaire pour tendre vers un consentement libre et éclairé, fondamental pour le respect de l’autonomie, de l’autodétermination et de la dignité humaine d’une personne, et constituant un élément essentiel du droit à la santé et de la garantie contre la torture et les mauvais traitements (Position du SPT sur les droits des personnes placées en institution, p. 3; Rapport Devandas-Aguilar du 16 juillet 2018, p. 6).

Des mesures alternatives à la contrainte

Des alternatives à la contrainte adaptées spécifiquement aux besoins des patient·e·x·s sont développées et appliquées en pratique. Le Conseil de l’Europe (Résolution 2291), les établissements médicaux (CHUV, Mesures de contention, p. 6 et 28) et les acteur·trice·x·s des milieux concernés recommandent le recours à la médiation et aux mesures d’accompagnement ainsi que l’amélioration des activités et des soins durant les périodes de contention. Ils encouragent la mise en place d’aménagements spatiaux (p.ex. une salle ouverte dans une partie du bâtiment proposant des lumières douces colorées et de la musique, avec un·e·x membre du personnel médical présent·e·x en permanence), la désignation d’un·e·x représentant·e·x thérapeutique, la rédaction de directives anticipées, la participation de pair·e·s praticien·ne·x·s ainsi que la présence renforcée de soignant·e·x·s auprès de la personne afin de mieux répondre à ses besoins. À ce sujet, l’établissement d’une alliance thérapeutique, qui promeut le développement d’un partenariat fort entre l’individu et son/sa médecin, est particulièrement encouragée (GRAAP, congrès sur la contrainte; Rapport Devandas-Aguilar du 11 janvier 2019, p. 17 et 20-21).

La mise en place de mesures alternatives dans les établissements psychiatriques en Suisse est disparate. À titre d’exemple, la Clinique psychiatrique pour adultes de Bâle prévoit la surveillance individuelle d’un·e·x patient·e·x par un·e·x membre du personnel afin d’éviter un placement à l’isolement ou l’injection d’un sédatif sous contrainte (Rapport CPT au Conseil fédéral suisse, p. 67). Depuis 2014, des mesures moins intrusives ont également été mises en place au sein de la clinique psychiatrique cantonale de Mendrisio afin de renoncer à la fixation et à l’isolement. Elles consistent notamment en «une prise en charge intensive [de l’individu] dès son admission (rapport 1 à 1 pendant les premières quatre heures) ou lors de situation de crise» (Rapport CNPT au Conseil d’État du Tessin, p. 6 à 8). Enfin, le centre de Belle-idée accueille l’unité hospitalière des Tilleuls, un service qui propose des soins de réhabilitation sous forme de médiation ou de groupes thérapeutiques aux personnes porteuses d’une maladie psychique sévère et chronique. Ces activités leur permettent, entre autres, d’acquérir une certaine connaissance de leur maladie ainsi qu’une meilleure autonomie et estime d’elles-mêmes (Thomazic, pp. 1697-1698).

Vers la désinstitutionnalisation pour une réforme du système de santé mentale

Dans une proposition de résolution de 2019, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe exige la réforme des systèmes de santé mentale (Proposition, p. 3). Cet avis est partagé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Comité contre la torture (CAT), le CRPD et la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, qui prônent l’abandon des mesures coercitives en faveur de la mise en place de services d’aide communautaire sans contrainte, comme des maisons pour les situations de crise ou des centres non-médicaux de prise en charge temporaire afin que les soins apportés à la personne concernée s’inscrivent dans la collectivité et non dans le milieu hospitalier.

En septembre 2021, le CRPD a adopté un projet de directive à la désinstitutionalisation des personnes en situation de handicap, visant à garantir des services communautaires disponibles, acceptables, abordables, accessibles, adaptables, durables et inclusifs, et de qualité appropriée, pour toutes les personnes en situation de handicap. Le projet a pour but de fournir des orientations concrètes aux Etats parties sur la manière de mener à bien leur processus de désinstitutionnalisation conformément à la CDPH, toute possibilité d’appliquer l’institutionnalisation comme une mesure de protection des personnes en situation de handicap devant être réfutée. Une des obligations qui leur incombe donc est de mettre fin à cette pratique et d’éliminer les principales causes de l’institutionnalisation, telles que le manque d’alternative aux institutions et les préjudices et stéréotypes liés au handicap.

La question de la désinstitutionnalisation ne date pas d’hier; en 2009 déjà, un groupe d’expert·e·x·s mandaté·e·x·s par la Commission européenne a publié un rapport sur la transition des soins en institution vers des services communautaires préconisant la création de services de proximité en parallèle de la clôture des établissements, l’objectif étant ainsi d'éviter de nouvelles admissions, de fournir des places aux personnes déjà institutionnalisées et d’apporter une aide aux personnes vivant dans un cadre communautaire, au sein de leur famille ou autrement, sans soutien adéquat (Rapport, pp. 6 et 19). En outre, ce rapport relève qu’il n’existe aucune preuve appuyant l’argument selon lequel les services basés sur la communauté seraient intrinsèquement plus coûteux que les institutions (Rapport, p. 13).

Une étude effectuée dans 27 États membres de l’UE, publiée en 2020 par ce même groupe d’expert·e·x·s, a insisté sur le fait qu’un soutien centré sur l’individu prenant en compte ses éventuels besoins de soutien complexes est l’unique moyen de garantir une pleine inclusion et participation au sein de la communauté.