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Protection des travailleurs et travailleuses domestiques en Suisse: la Convention n° 189 de l’OIT entre en vigueur

19.01.2016

La convention de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques fixe des droits minimaux pour les travailleurs/euses domestiques. Ce texte concerne plus de 50 millions de personnes de par le monde, travaillant dans des maisons privées, dont 83% sont des femmes. À ce jour, 22 États ont ratifié ce texte qui est d’ailleurs entré en vigueur le 5 septembre 2013 (état au 19 janvier 2016, état actuel).

Depuis le 12 novembre 2015, la convention protège aussi les travailleurs/euses domestiques en Suisse. Deux ans après l’entrée en vigueur de la convention, la Suisse doit rendre des comptes à l’OIT concernant la mise en œuvre du texte.

Protection légale pour les employés/es domestiques

Dans un appel lancé en novembre 2015 par Women in Development WIDE Suisse et la Plateforme nationale des sans- papiers, 200 organisations et personnes ont demandé des autorités suisses une mise en œuvre rapide et efficace de la convention. D’après ce document, il y aurait plus de 100'000 personnes travaillant en Suisse dans des ménages privés, dont au moins 40'000 ne posséderaient pas de permis de séjour et ne bénéficieraient d’aucune protection légale.

Dans un communiqué de presse les deux organisations écrivent que la convention «exige que les employé/es de maison soient légalement assimilées à tous les autres employé-e-s et que leur situation soit améliorée du point de vue de la rémunération, du temps de travail, de la sécurité sociale et des conditions de travail, non sans oublier la protection face aux abus, au harcèlement et à la violence». L’appel demande entre autres l’obtention facilitée d’un permis de travail et de séjour, l’accès sûr et simplifié aux  assurances sociales et aux  tribunaux de prud'hommes ainsi que l’amélioration de l'offre de conseil et de soutien pour tous les employé-e-s domestiques, en particulier pour les sans-papiers. 

Débats parlementaires

La Confédération a ratifié la convention sans entreprendre de modification législative. Cela n’a pas empêché le texte de faire l’objet d’un vif débat, principalement au National, durant la session d’été 2014.

 Le but du texte est de promouvoir un travail décent pour les employés domestiques, souvent des femmes et des migrant-e-s. Souple dans son application, il contient des prescriptions concernant les conditions de vie et de travail (horaires, salaires, sécurité, santé) des travailleurs domestiques, avait rappelé Stéphane Rossini (PS/VS) devant la chambre basse. Étant donné que la très grande majorité des personnes concernées sont des femmes, la convention représente aussi un instrument très fort de lutte contre la discrimination.

Par ailleurs, le droit helvétique n'aura pas besoin d'être modifié pour la ratification, puisqu'il répond déjà aux exigences de la convention. Mais en la ratifiant, la Suisse marque un signe de solidarité tout à fait dans la lignée des efforts déjà entrepris par les cantons et les communes pour donner plus de visibilité aux travailleurs/euses domestiques.

Un danger pour la «Care Migration»?

Malgré ces arguments, une importante minorité du Conseil national contestait la nécessité de la convention, jugeant comme Roland Borer (UDC/SO) toute législation supplémentaire superflue. La peur a également été exprimée qu’une telle convention pouvait poser des problèmes concernant celle que l’on norme la «care migration», à savoir ces étrangers et étrangères qui s’occupent notamment des personnes âgées suisses. Daniel Stolz (PLR/BS) semble penser qu’il faut éviter à tout prix une plus grande régulation dans cette branche pourtant essentielle du bien-être occidental.

Ce dernier point a été balayé par le conseiller fédéral Schneider-Ammann, qui a rappelé que toutes les normes de la Convention sont d’ores et déjà présentes dans le droit suisse et que cette ratification s'inscrit dans une politique générale de la Suisse, puisque Berne ratifie les traités de l'OIT lorsque le droit suisse est déjà conforme. Il a également souligné que lors de la consultation, tous les cantons se sont exprimés en faveur de la ratification. Seuls les employeurs se sont alors exprimés contre.

Lors du vote final le projet été accepté par une majorité de 114 voix contre 83 au Conseil national et à l’unanimité au Conseil des États.

Sources