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Les femmes étrangères victimes de violence conjugale ne sont toujours pas protégées efficacement

22.03.2016

Un nouveau rapport de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers, publié le 8 mars 2016 à l’occasion de la journée de la femme, fait un récit alarmant de la situation sur le terrain. Malgré la volonté claire du législateur de protéger ces femmes deux fois victimes (une fois de leur mari violent et une fois de la politique migratoire restrictive suisse), la réalité n’a toujours pas évoluée définitivement. Les pratiques du SEM et de certains cantons aboutissent au constat au suivant: il n’est pas toujours pas possible de garantir à toutes les victimes de violence conjugales le renouvellement de leur permis en cas de séparation. Sans garantie de pouvoir rester en Suisse, isolées et soumises aux pressions de leurs proches, de nombreuses femmes se résignent encore à retourner auprès de leur mari violent.

Décision parlementaire en 2012

En 2012, le Parlement fédéral a modifié l’article 50 al. 2 de la Loi sur les étrangers (LEtr). L’objectif était d’offrir une réelle protection aux femmes étrangères mariées avec un Suisse ou un homme au bénéfice d’un permis C et victimes de violence conjugale. Pour ce faire, la violence conjugale a été intégrée telle quelle dans les motifs justifiant un renouvellement du permis de séjour en cas de séparation.

Entré en vigueur le 1er juillet 2013, ce changement de loi aurait du impacter significativement la situation des femmes concernées en Suisse. Toutefois, l’application qu’en font les autorités administratives et judiciaires, qui disposent d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, n’est pas à la hauteur des espoirs qu’avait suscité ce changement législatif, obtenu après des années de lutte de la part de la société civile. Ce rapport de l’ODAE n’est d’ailleurs pas le premier sur ce sujet. L’observatoire en avait également publié un en 2011, qui expliquait lui aussi avec des cas concrets la situation de ces femmes victimes de violence conjugale (voir notre article sur le sujet). 

Toujours un parcours du combattant

Il revient toujours aux victimes de prouver les violences, leur intensité et leur caractère systématique, ainsi que le fait que la réintégration serait compromise en cas de renvoi. C'est aussi à elle de faire reconnaître les conséquences à long terme des violences, notamment en matière de d’insertion professionnelle. Pour l’ODAE, il est temps que les autorités appliquent la loi, non pas de façon plus humaine, mais simplement plus juste. 

Une directive prometteuse

En 2011 déjà, l’on attendait que les exigences de preuve de violence domestique soient quelque peu réduites par une mesure de l’Office des migrations (aujourd’hui le Secrétariat d’état aux migrations). Elle aurait notamment dû inclure la prise en considération de nouvelles preuves par les services de migrations, telles que des attestations de maisons d’accueil pour femmes et autres organismes spécialisés. Il appartiendrait cependant aux cantons de mettre en œuvre adéquatement ces mesures. 

Selon une affirmation de l’époque de la présidente de l’ODAE-Suisse, Ruth-Gaby Vermot, «c’est seulement si les services de migrations concrétisent les changements prévus et font usage de leur pouvoir d’appréciation de manière équitable et sans arbitraire que les intérêts des migrantes victimes de violence seront mieux protégés». Un problème qui reste lui aussi d’une grande actualité. 

La preuve de la violence conjugale

Jusqu’à présent, fournir des preuves attestant des violences subies et qui soient reconnues par les autorités reste dans de nombreux cas délicat, voire impossible. Sont notamment considérées comme des preuves, un rapport de police ou un certificat médical, mais pas des témoignages de voisins ou l’attestation d’une maison d’accueil, par exemple. Ainsi, les migrantes qui renoncent à faire constater des violences par la police ou un médecin, par peur de leur mari ou ignorance du système juridique suisse, auront très peu de chance de se voir accorder la protection de l’Etat. La désignation de «violence trop peu intense» est en outre ambiguë et les autorités ne reconnaissent parfois pas la souffrance physique et psychique des femmes touchées comme «suffisante» pour accorder une prolongation du permis de séjour. Cette notion pose par ailleurs une question éthique, puisqu’elle sous-entend qu’il y aurait une «violence conjugale» acceptable. 

Sources