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Non-traitement des demandes d’asile dans les ambassades: l’ODM a violé la loi

19.01.2012

Entre 2006 et 2008, les ambassades de Suisse en Syrie et en Égypte ont reçu entre 7000 et 10 000 demandes d'asile de ressortissants irakiens. Ces demandes n'ont pas été traitées sur seule décision de l’Office des migrations (ODM), alors que la Loi sur l’asile l’aurait exigé. L’enquête sur cette affaire demandée par le Conseil fédéral (CF) a été publiée en décembre 2011. Elle démontre aujourd’hui qu’avec cette décision, l’ODM a violé des règles de procédure définies dans la législation en matière d’asile et des garanties de procédure consacrées par la Constitution fédérale. Pas seulement: le devoir d’information de l’Office auprès du Conseiller fédéral en charge du Département fédéral de justice et police (DFJP) n’a pas été respecté. 

Au lieu d’établir les responsabilités disciplinaires dans cette question de violation du droit en vigueur, le Conseil fédéral se répose sur le rapport qu’il a commandé pour affirmé que c’est la loi elle-même qui pose problème. Les ONG crient à l’impunité. 

Le rapport

Fin de l’été 2011: la conseillère fédérale apprend l’existence de ces milliers de demandes non-traitées. C’est alors qu’elle a chargé l'ancien juge fédéral Michel Féraud de mener une enquête externe afin de déterminer si le droit en vigueur a été violé. La réponse de l’ancien juge fédéral est claire, comme le montre le communiqué de presse du CF de janvier 2012: «La décision arrêtée par l'ODM le 20 novembre 2006 de ne pas traiter ces demandes viole (...) des règles de procédure définies dans la législation en matière d'asile, ainsi que des garanties de procédure consacrées par la Constitution fédérale». 

«Une protection effective»?

Afin de relativiser la décision prise par l’ODM, le rapport souligne que «l’ODM pouvait toutefois partir du principe que ces ressortissants irakiens bénéficieraient d'une protection effective dans ces deux pays (Syrie et Egypte) et qu'ils ne risquaient pas de se voir renvoyer dans leur pays de provenance». Amnesty international (AI) avait pourtant signalé à l'époque que les conditions de vie des requérants d’asile dans les deux pays étaient désastreuses. Ainsi, relève la Section suisse d’Amnesty dans son communiqué de presse, «moins d’un quart des enfants de réfugiés pouvaient aller à l’école, les femmes étaient souvent contraintes à la prostitution et un taux élevé de violence domestique sévissait parmi les réfugiés». Difficile d’imaginer que l’ODM n’avait pas connaissance de ces informations.

Impunité

Les faits paraissent graves. Pourtant, le CF indique dans son communiqué que, «pour l'ancien juge fédéral Michel Féraud, la question d'une responsabilité disciplinaire ne se pose cependant plus, compte tenu notamment du temps qui s'est écoulé». Pour l’Organisation d’aide aux réfugiés (OSAR), le non-traitement des demandes d’asile relève du pénal. D’un point de vue juridique, il n’est pas clarifié de manière définitive s’il y a prescription dans cette affaire. Comme d’autres organisations soucieuses d’une application cohérente du droit suisse, l’OSAR demande que les responsables de cette affaire, qui «ont méprisé les demandes d’aide de réfugiés de guerre», rendent des comptes.

Droit de déposer des demandes dans les ambassades

D’autres organisations ont également dénoncé le raisonnement du juge Féraud. Au lieu de regarder si les personnes qui ont commis une violation du droit doivent être poursuivies, le rapport met la cause de ces événements sur la rigidité de la réglementation. Elle oblige toutes les représentations suisses à l'étranger à enregistrer et traiter toutes les demandes d'asile déposées dans leurs locaux. Alors que cette question sera discutée lors de la prochaine session parlementaire, AI rappelle, comme plusieurs autres ONG, que «supprimer la possibilité de déposer des demandes d’asile dans les représentations suisses de l’étranger, c’est entraver l’accès à la procédure d’asile à de nombreuses personnes, en particulier à celles qui sont les plus directement et les plus concrètement menacées et qui n’ont pas les moyens de fuir leur pays».

Sources

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