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Il n'y aura pas de salaire minimum fédéral

19.05.2014

Le 18 mai 2014, les votant ont refusé à  73.6% l’introduction d’un salaire minimum. Lancée en janvier 2011, l’initiative populaire de l’Union syndicale suisse (USS) «Pour la protection de salaires équitables (Initiative sur les salaires minimums)» proposait un salaire minimum de 22 francs de l’heure et «indexé régulièrement sur l’évolution des salaires et des prix, dans une mesure qui ne peut être inférieure à l’évolution de l’indice des rentes AVS».

Au niveau cantonal continuent d'évoluer. Neuchâtel avait accepté une initiative pour un salaire minimum le 27 novembre 2011 avec 54.6% de oui. Sans fixer de montant, le projet neuchâtelois mentionne seulement que l’Etat institue un salaire minimum cantonal dans tous les domaines d’activité économique afin de garantir des conditions de vie décente. Le principe avait aussi été accueilli favorablement dans le Jura en 2013, où l'initiative «Stop aux salaires de misère» avait été acceptée avec 54.25% de oui. Vaud (51.1% de non) en mai et Genève (54.2% de non) en novembre 2011 avaient quant à eux refusé l’introduction d’un salaire minimum dans leurs constitutions cantonales. Idem pour le Valais en 2014 (80.7% de non).

Initiatives cantonales ou fédérale, leur objectif était le même: assurer que toute personne exerçant une activité salariée puisse disposer d’un salaire lui garantissant des conditions de vie décentes. Une rémunération équitable conforme à la dignité humaine constitue un droit humain au même titre que les autres. Une notion qui semble faire bien peu d'émules.

Initiative parlementaire liquidée

Déclarée invalide dans un premier temps par le Grand Conseil, l’initiative genevoise avait dû passer devant le Tribunal fédéral. Celui-ci avait désavoué en avril 2010 le Grand Conseil genevois et donné ainsi le feu vert aux initiatives cantonales identiques.

Sur le plan fédéral, une initiative parlementaire pour un «droit à un salaire minimum dans la Constitution fédérale» avait également été déposée au Parlement en 2008 par le Conseiller national Josef Zisyadis (LG/VD). Rejetée par le Conseil national au motif que la réglementation d'un salaire minimum n'est pas du ressort du législateur mais des partenaires sociaux, l’initiative est considérée comme liquidée.

Ce débat né en Suisse romande trouve en effet difficilement sa place sur la scène nationale. Le thème est encore neuf outre Sarine bien que les Alémaniques soient également confrontés aux problèmes des bas salaires et de la sous-enchère salariale.

Sous-enchère salariale et pauvreté

Pour la gauche et les syndicats, les mesures d’accompagnement mises en place par la Confédération dans le cadre des bilatérales ne se sont pas démontrées en mesure de limiter le «dumping salarial» qui met particulièrement à mal les bas et moyens salaires. Les marchés du travail ouverts ont besoin d’instruments plus efficaces pour protéger les salaires dans les branches peu organisées où les femmes et les étrangers représentent une grande partie de la main d’œuvre et sont particulièrement menacés par la pauvreté.

Conscient du problème, le conseiller fédéral Schneider-Ammann a proposé des améliorations et invité les cantons à plus de vigilance. Le Conseil fédéral a par ailleurs imposé dès le 1er janvier 2011 un contrat type de travail (CTT) pour les employés de maison qui prévoit un salaire minimum, une première. Les mesures prises par les autorités restent insuffisantes du point de vue des syndicats et des partis de gauche. Les bas salaires, un des visages primordiaux de la pauvreté en Suisse, restent un problème toujours d’actualité.

Travailleurs pauvres

D’après les statistiques officielles de la Confédération, 320 000 personnes travaillant à temps plein touchent une rémunération officiellement reconnue comme un «bas salaire» (moins de 3783 francs bruts mensuels, soit à peu près 3215 francs nets pour un plein temps.). Cela représente 11,2% des salarié-e-s suisses qui rentrent dans la catégorie des «working poor»: ceux qui malgré leur travail, ne parviennent pas à assurer leur subsistance et celle de leur famille.

D’après les critères fixés par l’Office fédéral de la statistique pour définir le seuil de pauvreté en Suisse, 4,4% de la population active vivrait en dessous. L’œuvre d’entraide Caritas tire un bilan bien plus alarmant: un habitant sur dix serait concerné et les travailleurs pauvres, jeunes sans formation ou parent de famille nombreuse plus particulièrement.

Les ONG ainsi que les syndicats demandent depuis longtemps déjà que la Confédération légifère ou instaure une convention collective de travail fixant des salaires minimaux afin de remédier aux bas salaires. 

Un droit humain au même titre que les autres

L’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme précise que «quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine». 

De même le Pacte I de l’ONU pour les droits économiques, sociaux et culturels (art. 7, par. a., al. ii PIDESC), que la Suisse a ratifié en 1992. Pourtant, lors du dernier examen de la Suisse par le Comité pour les droits économiques sociaux et culturels en novembre 2010, le Comité se déclarait «de nouveau préoccupé, comme il l’avait fait dans ses précédentes observations finales, par la persistance de la pauvreté dans l’État partie (la Suisse). Il est particulièrement préoccupé par la persistance du phénomène des «travailleurs pauvres», qui travaillent dans des conditions précaires et perçoivent des revenus faibles qui ne leur permettent pas d’avoir un niveau de vie suffisant (art. 11).»

En cause notamment, le fait que les droits économiques, sociaux et culturels soient considérés en Suisse comme des droits programmatoires uniquement. De fait, ces droits sont non justiciables et restent trop souvent théoriques, puisque «aucun droit subjectif à des prestations de l’Etat ne peut être déduit directement des buts sociaux» (art. 41, par.4 Cst.). 

Sources

Les différentes initiatives

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