27.04.2022
Dans les pays arabes où le climat politique est influencé par les régimes totalitaires, la protection des droits humains ne revêt que peu d’importance. La dénonciation de violations des droits humains y est risquée car les gouvernements accordent une grande importance à leur souveraineté. Les organisations de la société civile d’Afrique du Nord et du Proche-Orient n’ont ainsi pas toutes la même marge de manœuvre: alors que dans certains pays, les ONG peuvent critiquer leur gouvernement et mener ouvertement un travail de protection des droits humains, dans d'autres, les États ont une emprise complète sur la société civile.
La Ligue arabe et ses faiblesses politiques
La Ligue des États arabes est une alliance de 22 pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord. L’organisation fondée en 1945 a pour but de rapprocher les États membres et de promouvoir leur coopération. Elle sert de forum politique pour des négociations et, dans certains, pour la résolution de conflits.
La Ligue arabe est, depuis un certain temps déjà, en crise et a perdu en importance depuis sa fondation. Différents enjeux géostratégiques pèsent sur la cohésion des États membres et paralysent l’organisation dans son ensemble. Le rapport de pouvoir régional entre l’Arabie saoudite et l’Iran divise notamment la Ligue en deux camps. Le boycott et le refus de la reconnaissance de l’État d’Israël a longtemps constitué le point sur lequel les États membres pouvaient se mettre d’accord. Les Émirats arabes unis et le Bahreïn ont brisé ce tabou en construisant des relations diplomatiques avec Israël. Tandis que certains États membres de la Ligue arabe continuent de soutenir le peuple palestinien, d’autres préconisent une approche favorable à Israël.
L’Organisation de la coopération islamique (OCI)
Sur la scène internationale, la Ligue arabe a perdu en importance par rapport à l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Même dans le domaine de la politique internationale des droits humains dans le cadre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’OCI apparait plus dynamique. L’OCI et la Ligue arabe ont par ailleurs signé en janvier 2009 un accord de coopération exprimant la volonté d’entretenir une coopération politique, économique, culturelle, scientifique et technique.
L’Organisation de la coopération islamique a adopté en 1990 la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam. Il n’existe pas de mécanismes d’application pour les dispositions de ce texte car sa portée n’est pas contraignante.
L’OIC a fondé en 2011 l’Independent Permanent Human Rights Commission (IPHRC). La Commission composée de 18 membres mène des enquêtes et conseille les États membres sur des domaines relatifs aux droits humains. La Commission n’a cependant ni la compétence d’établir des rapports étatiques ni de traiter des plaintes individuelles. Elle a par ailleurs pris une part déterminante à la conception de la nouvelle OIC Declaration on Human Rights (ODHR). Des défenseur·euse·s des droits humains dénoncent le fait que la Commission concentre son travail uniquement sur les minorités musulmanes et leurs droits, au lieu de porter ses efforts sur la promotion et protection des droits humains dans les pays membres de l’OIC.
Autres institutions régionales
La Ligue arabe a fondé en 1968 l'Arab Permanent Committee on Human Rights. Le comité d’expert·e·s a joué un rôle important dans la préparation de la Charte arabe des droits de l’homme. Le Comité, de par sa fonction consultative, émet des recommandations à la Ligue Arabe et ses membres sur des thématiques et traités relatifs aux droits humains. Il n’a cependant pas de compétence de suivi ni de mise en œuvre des droits humains.
L’Arab Human Rights Committee, à ne pas confondre avec l’Arab Permanent Committee on Human Rights est un mécanisme de surveillance de la Charte arabe des droits de l’homme créé en 2009. Il est composé de huit expert·e·s élu·e·s pour une durée de quatre ans. Un an après avoir ratifié la Charte, les États doivent présenter au Comité un rapport sur la mise en œuvre des droits qu’elle garantis. La Charte exige ensuite que soit fourni tous les trois ans un rapport périodique sur la situation en matière de droits humains dans les États parties. L’Arab Human Rights Committee ne peut pas recevoir de plaintes individuelles, lacune critiquée par la société civile.
Le Conseil des Ministres de la Ligue arabe a adopté en 2014 le Statute of the Arab Court of Human Rights. La Cour est responsable des plaintes des États et des ONG. Le Statut doit entrer en vigueur après la ratification par le septième État membre. Jusqu’à présent, seule l’Arabie saoudite a ratifié le Statut, la Cour arabe des droits humains restant ainsi à l’état de projet.
Consultations avec les organisations non-gouvernementales
En plus des rapports étatiques périodiques, l’Arab Human Rights Committee accepte aussi les rapports alternatifs de la société civile. L’accès au Comité reste pourtant difficile pour les ONG. Les organisations doivent en effet avoir le statut d’ONG dans leur pays d’origine, or son octroi est du ressort des gouvernements respectifs. Dans les faits, c’est donc les États membres qui décident quelles organisations peuvent participer à la vérification de leur rapport étatique.
Le 15 octobre 2009, l’Arab Human Rights Committee a rencontré pour la première fois quatre ONG internationales et régionales au siège de la Ligue arabe. Amnesty International, la International Federation for Human Rights, l’Arab Organisation for Human Rights et le Cairo Institute for Human Rights ont pris part à cette rencontre et ont insisté sur l’importance d’un tel dialogue.
Informations complémentaires
- The League of Arab States: Human Rights Standards and Mechanisms
Open Society Foundation (2015) - League of Arab States: Human Rights organizations and Arab Human Rights Committee engage in constructive dialogue
International Federation for Human Rights (FIDH) - Arab Center for International Humanitarian Law and Human Rights Education (ACIHL)
Site de l’ACIHL