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Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH)

La Convention européenne des droits de l’homme prévoit dans sa procédure de mise en œuvre qu’un individu peut porter plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) à Strasbourg lors d’une violation de la Convention ou de l’un de ses Protocoles additionnels par un Etat partie. La Cour européenne des droits de l'homme a été instituée en 1959 à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l'Europe. Depuis 1998, la Cour siège en permanence.

Organisation de la CrEDH

Jusqu’à l’automne 1998, c’était avant tout à la Commission européenne des droits de l’homme qu’il revenait de juger les recours liés à des violations de la CEDH et de ses protocoles additionnels. Lorsque le recours était recevable, la Commission transmettait un rapport au Comité des Ministres. Les Etats étaient à côté de cela libres de reconnaître ou non la compétence de la CrEDH, qui ne traitait pour sa part que peu de cas.

Depuis l’entrée en vigueur du onzième Protocole additionnel concernant la modification du mécanisme de contrôle introduit par la Convention, c’est la CrEDH seule qui traite les cas de violation de la CEDH. C’est ensuite au Comité des ministres que revient la mission de veiller à la mise en œuvre des arrêts de la Cour.

Composition de la Cour

La Cour est composée d'un nombre de juges égal à celui des Etats contractants, soit 47 juges, qui sont réparti·e·s en cinq sections. Suivant les cas, c’est la chambre, formation ordinaire de jugement, composée de 7 juges, la Grande Chambre, formation extraordinaire de jugement, composée de 17 juges ou encore un comité composé de 3 juges qui se prononcent sur les affaires présentées. Le 14ème Protocole additionnel a institué la fonction de juge unique. Celui·celle-ci détient la compétence d’écarter une requête lorsqu’elle est manifestement irrecevable, l'objectif étant de diminuer la surcharge de la Cour.

Pour la sélection des juges, chaque Etat contractant présente une liste de trois candidat·e·s et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe élit un·e juge pour chaque Etat. Malgré cela, les juges siègent à titre individuel et ne représentent aucun Etat. Les juges sont élus pour une période unique de neuf ans et doivent, en vertu du 15ème Protocole additionnel être âgés de moins de 65 ans au moment où leur candidature est déposée devant l'Assemblée parlementaire.

Depuis janvier 2021 c'est Andreas Zünd qui remplace l'ancienne juge suisse Helen Keller. C’est également un Suisse, Carlo Ranzoni, qui fait office de juge pour le Liechtenstein. Son prédecesseur Mark Villiger, qu'il a remplacé le 1er septembre 2015, était lui aussi suisse.

Fonctionnement de la Cour

La Cour peut en grande partie déterminer le déroulement de la procédure. À cette fin, elle adopte le «Rules of Court». La CEDH fournit seulement un cadre définissant les compétences des différentes formations (voir ci-dessus "Composition"). Traditionnellement, la recevabilité et le bien-fondé d'un recours sont décidés séparément. Autrefois, une décision pouvait exceptionnellement porter sur les deux points en même temps, mais depuis le 14e Protocole additionnel, c'est la règle, du moins dans le domaine de la jurisprudence établie.

Un comité de trois juges peut désormais également prendre une décision finale sur une affaire, mais seulement si l'unanimité est atteinte. En cas de désaccord, l'affaire est renvoyée à une Petite Chambre. Leurs décisions peuvent ensuite être renvoyées à la Grande Chambre dans un délai de 3 mois, qui statue alors à nouveau sur l'affaire. Une Petite Chambre peut également renvoyer une affaire directement à la Grande Chambre pour décision si une question d'interprétation difficile ou un changement de jurisprudence apparaît. Depuis l'entrée en vigueur du 15ème Protocole additonnel, les parties ne peuvent plus s'y opposer. Il n'est ainsi plus possible depuis 2021 d'exiger d'abord une décision à la Petite Chambre afin de maintenir ouverte la voie de recours auprès de la Grande Chambre.

Exécution des arrêts de la Cour par le Comité des Ministres

Les arrêts de la Cour ont force obligatoire, c’est-à-dire que les Etats doivent les respecter et les appliquer. Mais la CrEDH ne dispose pas d’une «police européenne» qui veille à cela. Il s’agit plutôt, avec le Comité des Ministres, d’une instance politique qui en surveille l’exécution. Le Comité des Ministres se rencontre ainsi quatre fois par année pour discuter de l’exécution des arrêts de la Cour. Les Etats concernés doivent lui rendre compte des mesures prises à la suite de l’arrêt dans un «action report». Si le Comité des Ministres est satisfait, il publie une Résolution finale qui clôt le cas. S’il n’est pas satisfait de l’exécution de l’arrêt, il fixe alors formellement le manque en exécution et rappelle à l’Etat fraudeur ses obligations. Ce moyen de pression a été élargi par le Protocole additionnel n°14, qui a instauré un recours en manquement en cas de difficultés relatives à l’exécution de l’arrêt.

Mais dans la majorité des cas, les Etats exécutent les arrêts de la Cour sans besoin d’en arriver là. Très peu d’arrêts sont ouvertement critiqués. Et lorsqu’il le sont, cela tient généralement à des considérations de politique interne. Des problèmes structurels peuvent également faire obstacle à l’exécution d’un arrêt de la Cour.

Le travail de la Cour a essentiellement contribué à une Europe démocratique, dans laquelle les droits humains et les libertés fondamentales ont une grande importance. De même, une des conséquences a été l’uniformisation des standards dans le domaine des droits des habitant·e·s. Plusieurs arrêts de base, dans lesquels les Etats ont été condamnés, ont conduit à un changement de leur législation.

La CrEDH surchargée

La Cour européenne des droits de l’homme est souvent critiquée pour son grand volume d’affaires encore pendantes. À la fin de l'année 2021, plus de 70 000 requêtes étaient pendantes devant des formations judiciaires. Cette montagne de requêtes en suspens s’explique en particulier par l’accroissement du nombre de plaintes ces dernières années et par des ressources en personnel assez limitées. Pour décharger la CrEDH, le Protocole n°14 à la CEDH, entré en vigueur en 2010, donne à la Cour des instruments ciblés pour qu’elle puisse écarter les recours irrecevables de façon efficace et rapide. La Cour a ainsi la possibilité de rejeter un recours lorsqu'elle estime que la personne recourante n'a pas subi de «préjudice important». Comme l’entrée en vigueur du 14e protocole a été longtemps bloquée par la Russie, la Cour a elle-même adapté sa juridiction et développé de nouvelles procédures, notamment celle de «l’arrêt pilote». 

Avec l'entrée en vigueur du 15ème Protocole additionnel en 2021, le délai pour recourir a été réduit de six à quatre mois. De plus, les juges peuvent désormais rejeter les recours ne constituant pas de «préjudice important» sans pour autant au préalable réaliser d'examen du contrôle par les tribunaux nationaux. Cette nouveauté représente un désavantage en particulier pour les personnes sous la juridiction d'États ne disposant pas d'une protection juridique correcte. Le principe de subsidiarité a par ailleurs été expressément ancré dans le préambule, ce qui signifie que les États parties sont en premier lieu responsables du respect et de la mise en œuvre de la CEDH et qu'ils disposent à ce titre d'une grande marge d'appréciation. Cet ajout au préambule reprend des principes que la Cour a déjà concrétisés dans sa jurisprudence, mais qui sont désormais explicitement mentionnés pour la première fois dans la Convention. Ce changement n'a certes pas de conséquences directes sur la pratique de la CrEDH, mais illustre la tendance de la Cour à laisser davantage de liberté aux tribunaux nationaux dans l'interpréation des droits humains.

Recours interétatiques

A côté des plaintes déposées par des particuliers, le sytème de la Cour autorise celles par les États (art. 33 CEDH). Dans ces cas d'affaires interétatiques, il n'est pas attendu de l'Etat requérant qu'il ait lui aussi qualité de victime, c'est-à-dire qu'il soit touché directement dans ses propres droits d'entité étatique, ni que ce soit les droits de ses propres ressortissant·e·s qui soient violés. Ces requêtes sont très rares, d'où leur importante signification politique.