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Schlumpf contre la Suisse

Après avoir décidé de sa conversion sexuelle, la requérante vécut au quotidien en tant que femme dès 2002. En 2003, elle entama une thérapie hormonale et psychologique. En novembre 2004, elle demanda à sa caisse maladie la prise en charge des coûts pour une opération de conversion sexuelle. Par courrier du 29 novembre 2004, l’assurance rejeta sa demande. Sans avoir pris connaissance de ce courrier, la requérante fut opérée le 30 octobre 2004. Elle demanda par la suite à l’assurance une décision susceptible de recours, qu’elle contesta jusque devant le Tribunal fédéral. Selon la jurisprudence de celui-ci, les coûts d’une opération de conversion sexuelle ne sont pris en charge par l’assurance que si le diagnostic est confirmé, ce qui n’est le cas que lorsque le patient a auparavant suivi une thérapie hormonale et psychologique durant deux ans. En application de cette jurisprudence, dont les conditions n’étaient pas remplies, les recours furent rejetés.
Devant la Cour, la requérante fit valoir une violation de l’article 6 § 1 CEDH parce qu’aucune audience n’avait été tenue lors de l’examen de ses recours, que le Tribunal fédéral des assurances (TFA) aurait retenu de manière arbitraire sa propre interprétation plutôt que celle des experts et parce qu’il avait rejeté ses demandes de preuves (audition d’experts supplémentaires). De plus, l’application de la jurisprudence mentionnée (délai d’attente de deux ans) aurait constitué une violation du droit au respect de la vie privée (article 8 CEDH).
Concernant le grief d’une violation de l’article 6 CEDH, la Cour considéra que le refus du TFA de consulter d’autres experts, tel que l’avait demandé la requérante, était disproportionné. Ce faisant, le TFA aurait substitué sa propre appréciation à celle des médecins et psychiatres, ce qui serait contraire à la Convention. Par rapport au droit à une audience publique, la Cour estima que la procédure n’avait pas uniquement soulevé des questions juridiques ou techniques; par conséquent, les conditions permettant d’exceptionnellement refuser une demande d’audience n’auraient pas été remplies. Violation de l’article 6 CEDH (procès équitable et droit à la publicité (unanimité).
En ce qui concerne le grief d’une violation de l’article 8 CEDH, la Cour estima que le TFA n’avait pas tenu compte des progrès faits en médecine dans le domaine de la transsexualité depuis 1988, date où le délai d’attente fut introduit dans la jurisprudence. De plus l’arrêt contesté n’aurait pas accordé suffisamment d’importance aux particularités de la situation de la requérante, âgée de 67 ans au moment de sa demande à l’assurance-maladie. Violation de l’article 8 CEDH (5 voix contre 2; demande de renvoi à la Grande Chambre pendante). »

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