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Un détenu à la retraite doit se conformer à l’obligation de travailler

10.02.2016

(Résumé et commentaire de l'association Dialogue CEDH)

La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) s’est prononcée aujourd’hui dans le même sens que le Tribunal fédéral. La Suisse ne peut être accusée ni de discrimination ni de travail forcé lorsqu’ un détenu à l’âge de la retraite est soumis à l’obligation de travailler.

Résumé

Le plaignant M., né en 1946, a été mis en détention suite à une peine d’emprisonnement survenue en 2003 et doit s’acquitter en prison de son obligation de travailler, bien qu’il ait atteint l’âge de la retraite. Il s’est opposé à cela en 2011 – sans succès – devant le Tribunal cantonal de Zürich et plus tard devant le Tribunal fédéral. La haute cour jugea que le travail en prison sert des buts différents d'une occupation rémunérée dans la vie active. Pour les personnes âgées, le travail en prison avait avant tout pour objectf d'éviter notamtion l'isolement ou la dégénrescence physique et mentale. Ces raisons rendaient ainsi pour le Tribunal fédéral l'obligation de travailler en prison valable indépendemment de l'âge des détenu-e-s, comme cela pouvait d'ailleurs se constater sur la base du Code pénal, qui ne mentionne pas d'exception pour les personnes âgées.

Par la suite, M. a porté plainte auprès de la CrEDH, soutenant que l’obligation de travailler violait l’article 4 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) selon lequel «Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude». En effet, ayant dépassé l’âge de 65 ans et se trouvant en détention, il estimait ne plus devoir être contraint à travailler. Il se considérait par ailleurs discriminé (art.14 CEDH), car, s’il avait été libre, il serait à la retraite et ne devrait plus travailler.

Les arguments de la Cour

Dans son exposé des motifs, la CrEDH s’appuie fortement sur l’argumentation du Tribunal fédéral. Les trois heures de travail par jour permettraient de structurer le quotidien et pourraient contribuer au bien-être d’un détenu, à condition que le travail soit adapté à ses besoins et à ses capacités, ce qui est le cas pour le plaignant.

La CrEDH s’exprime aujourd’hui pour la première fois sur ce problème, ce qui est particulièrement pertinent au regard du nombre croissant de détenus plus âgés. Dans son arrêt, la CrEDH mentionne une étude comparative de 28 Etats membres qui montre que, dans 16 Etats, les détenus ayant atteint l’âge de la retraite ne travaillent plus, alors que dans 12 Etats ils sont encore soumis à l’obligation de travailler. Il manque donc un consensus européen sur cette question, ce qui laisse aux Etats membres une grande marge d’appréciation.

En l’absence d’un consensus européen, la CrEDH a jugé qu’elle ne pouvait décider elle-même de la conformité de l’obligation faite aux personnes âgées de travailler avec la Convention. Une marge d'appréciation qui profite en l’occurrence à la Suisse et à son système pénitencier.

Concernant l’accusation de discrimination, la CrEDH n’est pas entrée en matière, puisqu’aucune plainte à ce sujet n’avait été déposée devant les tribunaux nationaux.