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B.F. / D.E. / J.K. / S.Y. (2023)

19.09.2023

Requêtes nos 13258/18, 15500/18, 57303/18 et 9078/20

Violation de l’article 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale)
Non-violation de l’article 8 dans le cas de S.M.

Les ressortissantes érythréennes S.Y., S.M., B.F. et sa fille D.E. ainsi que le ressortissant chinois d’origine tibétaine J.K. arrivent en Suisse entre 2008 et 2012. Revêtant la qualité de réfugié·e·x·s au sens de la Convention de Genève de 1951, les requérant·e·x·s ne se voient pas accorder l’asile par le SEM, mais une admission provisoire (art. 83 LEI). J.K., S.Y., S.M., B.F. et sa fille D.E. tentent de faire venir les membres de leur famille proche par le biais du regroupement familial. Or, en Suisse, pour les réfugié·e·x·s soumis·e·x·s au régime de l’admission provisoire, son octroi est subordonné à plusieurs conditions (art. 85 al. 7 LEI), notamment la non-dépendance de l’ensemble de la famille à l’aide sociale. Le Tribunal administratif fédéral a estimé que les requérant·e·x·s dépendraient de l’aide sociale à leur arrivée en Suisse et a rejeté leurs demandes.

Si elle reconnaît que la Suisse et les autres États membres jouissent d’une certaine autonomie à l’égard de leur régime d’asile national et d’une certaine marge d’appréciation quant aux conditions d’octroi du regroupement familial, la CrEDH affirme que la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les réfugié·e·x·s dans le pays d’accueil doit être dûment considérée au moment de définir les conditions d’octroi du regroupement familial. Par conséquent, l’obligation de ne pas dépendre de l’aide sociale doit faire l’objet d’une appréciation équilibrée.

Ainsi, dès lors que la personne réfugiée n’est pas en mesure d’assurer son indépendance financière alors qu’elle a fait tout ce qui été raisonnablement exigible d’elle pour y parvenir, la stricte application de l’obligation de non-dépendance à l’aide sociale peut conduire à la séparation permanente de la personne réfugiée et de sa famille, et partant, à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH). La CrEDH estime que les personnes réfugiées ne devraient pas être tenues de faire l’impossible pour obtenir le regroupement familial. Aussi, dans le cas d’espèce, elle conclut que la Suisse a violé la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir refusé les demandes de regroupement familial de J.K., S.Y., B.F. et sa fille D.E.
Dans le cas de S.M., la Cour estime que les autorités n’ont pas outrepassé leur pou-voir discrétionnaire en décidant de rejeter sa demande de regroupement familial au motif que la requérante n’avait pas pris d’initiative pour améliorer sa situation financière alors qu’elle était en mesure de travailler au moins à temps partiel.