humanrights.ch Logo Icon

M.F. contre la Suisse

21.02.2023

Communication no 126/2020, décision du 7 février 2023

Une plainte déposée auprès du Comité des droits de l'enfant (CRC) a conduit la Suisse à rouvrir la procédure d'asile dans le cas concret de quatre enfants réfugiés syriens d’identité kurde et de leur mère. Après une audition des enfants, la Suisse leur a finalement accordé l'asile. Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a salué cette décision.

La mère des quatre enfants, née en République arabe syrienne a été mariée de force à l'âge de 11 ans et a été victime de violences sexuelles. Elle a donné naissance aux quatre enfants à l'adolescence. La famille a fui la guerre civile en cours en Syrie en 2017 et a obtenu l'asile en Bulgarie. Elle a toutefois été expulsée du camp de réfugié·e·s et a été contrainte de mendier de la nourriture dans la rue. Au bout de trois mois, la famille a quitté la Bulgarie pour demander l'asile en Allemagne. Le mari de l’auteure continuant à être extrêmement violent, la requérante y a obtenu des mesures de protection le 16 juillet 2019, et a demandé le divorce. Craignant son mari, elle a décidé de quitter l’Allemagne pour la Suisse avec ses enfants.

La demande d’asile de la requérante et ses enfants est rejetée le 27 août 2020. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ordonne leur renvoi vers la Bulgarie, qui les avaient déjà reconnu·e·s comme réfugié·e·s. Le 3 septembre 2020, l’auteure fait appel de la décision du SEM auprès du Tribunal administratif fédéral, qui le rejette le 18 septembre 2020.

Après le rejet de son recours par le Tribunal administratif fédéral, la famille a adressé une communication individuelle au Comité des droits de l'enfant, arguant qu'un renvoi vers la Bulgarie, où ils avaient déjà connu des conditions de vie déplorables, notamment l’absence d’accès aux soins médicaux et à l’éducation, violait plusieurs articles de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ainsi, l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) ou la protection contre toute forme de violence physique ou mentale (art. 19) ne seraient pas garantis. Le Comité a demandé à la Suisse d’adopter des mesures provisoires pour suspendre l'expulsion jusqu'à ce que le Comité ait examiné la plainte.

Les autorités suisses ont rouvert le dossier de la famille et lui ont finalement reconnu le statut de réfugié. Le Comité des droits de l'enfant a décidé de mettre fin à l'examen de la plainte le 25 janvier 2023, considérant que la famille ne risquait plus d’être renvoyée en Bulgarie.

Ce cas montre que ce mécanisme de plainte a un potentiel certain pour apporter une aide immédiate aux enfants. Cinq cas de communications individuelles soumises au Comité des droits de l'enfant ont mené à un nouvel examen de la procédure d'asile par la Suisse. Cette décision constitue un précédent important pour de nombreux autres enfants demandeurs d’asile vulnérables avec leur famille.