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Renate Howald Moor

«En réclamant des dommages-intérêts, il ne s’agissait pas d’obtenir de l’argent, mais de défendre un principe : les grands doivent eux aussi payer pour leurs erreurs. Grâce à la décision de la CrEDH, les victimes de l’amiante ont désormais droit à un procès équitable. Sans la Convention européenne des droits de l’homme, de nombreuses personnes n’auraient que peu de chance, voire aucune, de faire reconnaître leurs droits. Il n’y avait pour ainsi dire rien d’autre qui aurait permis de taper sur les doigts de certaines personnes, de défendre les droits des personnes touchées et d’exercer de la pression à cet égard.»

Victimes de l’amiante : un long combat pour la justice

Sur le lit de mort d’Hans Moor, sa femme et leurs deux filles ont juré de lutter en son nom et devant toutes les instances pour réclamer justice. Jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) si nécessaire. Ce combat, mené pour toutes les victimes de l’amiante en Suisse, reflète les dernières volontés d’Hans Moor et l’engagement sans faille de sa famille plusieurs années durant.

Après une longue agonie, Hans Moor est décédé en novembre 2005, à 58 ans, des suites d’un cancer des poumons imputable à l’exposition à l’amiante à laquelle il a été confronté au cours de son activité professionnelle. Son décès est la conséquence d’un contact prolongé avec cette substance dangereuse, par le biais tout d’abord de son emploi au sein de la fabrique de machines Oerlikon, puis de BBC, d’ABB et finalement d’Alstom. «Mon époux a monté des turbines dans le monde entier jusqu’en 1978 et a ainsi inhalé de grandes quantités d’amiante. Il n’a jamais été informé des dangers que représentait cette substance, bien que les responsables de l’époque en aient connu les risques», explique sa veuve, Renate Howald Moor. Le diagnostic qui le condamnait est tombé un an et demi avant sa mort.


Hans Moor a utilisé le temps qu’il lui restait à vivre pour intenter une action civile à l’encontre d’Alstom, lui réclamant 200 000 francs de dommages-intérêts. « Pour lui, l’argent importait peu. Il s’agissait surtout d’une question de principe : le devoir d’assumer ses erreurs ne devait pas être l’apanage des petits, mais toucher aussi les grands », raconte Renate. Hans Moor avait déjà succombé lorsque le tribunal du travail de Baden et la Cour suprême du canton d’Argovie ont rejeté sa plainte. Selon eux, les prétentions étaient prescrites depuis 1988 déjà, soit dix ans après le dernier contact avec l’amiante, et ce malgré le fait que le corps médical ait prouvé que la substance causait des cancers 20 à 40 ans plus tard. «Comment un dommage peut-il être prescrit avant même de survenir ?», s’est demandée la famille Moor.

«Comment un dommage peut-il être prescrit avant même de survenir? Avant la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, nous étions tout bonnement exclus de tout procès, bien que nous y avions droit»

La famille a donc porté l’affaire devant la CrEDH pour violation du droit à un procès équitable. La démarche a payé : après neuf longues années de combat, la Cour leur a donné raison, considérant que la décision du Tribunal fédéral en cause violait le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la convention. L’application par le Tribunal fédéral du court délai de prescription ôtait toute voie de droit aux victimes de dommages apparus tardivement. Le Tribunal fédéral devait reconsidérer sa décision. Cet arrêt permet à des milliers de victimes de l’amiante et à leur famille de retrouver l’espoir de voir les entreprises responsables rendre des comptes et verser des dommages-intérêts.

En Suisse, l’exposition à l’amiante est à l’origine de 80 décès chaque année, et leur nombre tend à augmenter. Grâce au jugement de Strasbourg, les délais de prescription en Suisse ont été adaptés. Mais le combat n’est pas encore terminé. Après douze ans, la famille Moor attend maintenant la décision du tribunal du travail de Baden. Le Tribunal fédéral lui a renvoyé le cas pour nouvelle décision suite à l’arrêt de Strasbourg. La question de la prescription ne doit plus entrer en ligne de compte. Il s’agit désormais de déterminer si une base légale permet de requérir le versement de dommages-intérêts, comme l’avait réclamé Hans Moor avant sa mort. «Nous sommes enfin pris au sérieux. Avant la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, nous étions tout bonnement exclus de tout procès, bien que nous y avions droit», précise Renate Howald Moor qui souligne l’importance de la décision. Elle est convaincue que, grâce à ce jugement, des dommages-intérêts seront versés, non seulement à sa famille, mas aussi à de nombreuses autres personnes touchées. L’impact de l’engagement de Renate Howald Moor va bien au-delà de sa propre famille. «Grâce à ce jugement, les responsables d’entreprises répondront peut-être davantage de la sécurité de leurs employé·e·s à l’avenir.

contact

Marianne Aeberhard
Responsable Projet Accès à la justice / Directrice de l'association

marianne.aeberhard@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Lu/Ma/Me/Ve

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