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Initiative pour l’interdiction de se dissimuler le visage: NON le 7 mars prochain

17.02.2021

Visant directement les femmes portant le voile intégral, les initiant·e·s prétendent défendre la liberté et l’égalité des sexes. Dénigrant l’autodétermination des femmes, cette initiative est à contre-sens des fondements constitutionnels de la Suisse et ne répond absolument pas aux problématiques discriminatoires vécues par les femmes.

Commentaire du collectif des foulards violets

Le respect de la démocratie implique que chaque personne, quel que soit son genre ou sa religion, puisse prendre ses propres décisions. Le préjugé selon lequel les femmes musulmanes, et encore plus spécifiquement celles portant la burqa, sont soumises et contraintes dans leurs choix est récurrent. Alors que l’initiative s’appuie fortement sur ce préjugé, le collectif des foulards violets a récolté des témoignages de femmes, donnant ainsi la parole aux personnes concernées. Elles expliquent qu’il s’agit d’un choix personnel et non contraint, comme le confirme Mallory Schneuwly Purdie, sociologue des religions. Ce choix est souvent incompris, mais n’est pas invalide pour autant. De plus, comme l’a d’ailleurs souligné le Conseil fédéral, le fait de contraindre une personne à se dissimuler le visage en raison de son sexe est déjà puni par l’art. 181 du code pénal sur la contrainte.

Au lieu de promouvoir l’égalité, l’initiative renforce les discriminations: ce sont avant tout les femmes portant le niqab qui sont concernées par cette modification de la Constitution. Interdire le voile et prescrire ce que les femmes ont le droit de porter ou non est une attaque directe envers l’égalité et démontre une volonté de contrôle du corps des femmes. De plus, en portant sur le devant de la scène un problème qui n’en est pas un, l’initiative est inutile et masque les problématiques sexistes vécues quotidiennement en Suisse, notamment la lutte contre les féminicides ou la redéfinition du viol dans le Code pénal. 

Par ailleurs, il existe déjà, dans la plupart des cantons, des dispositions interdisant la dissimulation du visage lors des manifestations publiques, notamment sportives. Le Parlement et le Conseil fédéral n'ont mentionné l'enjeu sécuritaire dans leurs débats que pour les hooligans. Pour la Cour européenne des droits de l'homme et le Comité des droits de l’homme des Nations unies, l'enjeu sécuritaire ne saurait entraîner une interdiction généralisée de se dissimuler le visage. L’amalgame possible entre les hooligans et les femmes portant un voile lié à leurs croyances religieuses est particulièrement déplacé et contribue à l’instauration d’un climat islamophobe et d’un racisme banalisé. 

Le Comité des droits de l’homme a estimé que l’interdiction générale à caractère pénal que la loi française impose aux personnes portant le niqab en public a porté atteinte de manière disproportionnée au droit des deux plaignantes de librement manifester leur religion garanti par le Pacte II de l’ONU. Aussi, le texte de l’initiative contrevient à la liberté d’opinion et de réunion garantie par la Constitution. Cela a été reconnu par le Tribunal fédéral dans le cadre des lois cantonales tessinoises sur l’interdiction de se dissimuler le visage. Attaquant une fois de plus une minorité, il est révélateur d’une politique qui repose sur la peur de l’autre et de la différence. Si c’est bien la portée symbolique de la loi qui doit être combattue, les enjeux sous-jacents relatifs à l’activisme politique n’en sont pas moins importants. 

Les arguments du comité d’initiative sont en totale contradiction avec l’égalité, l’autodétermination et la liberté d’opinion. 50 ans après l’octroi du suffrage féminin, cette initiative consternante pointe l’étendue des luttes féministes et antiracistes qu’il reste à mener.
A l’instar de l’ensemble des collectifs de la grève féministe romands, le collectif des foulards violets appelle à voter NON le 7 mars prochain.

Retrouvez les arguments de humanrights.ch contre l’initiative pour l’interdiction de se dissimuler le visage dans la trilogie d’articles sur la Plateforme d’information.