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Un accès à la justice lacunaire pour les travailleur·euse·x·s du sexe trans

06.06.2023

Les personnes trans sont confrontées à des discriminations dans différents domaines de leur vie. Si elles sont, en plus, travailleur·euse·x·s du sexe, leur accès aux droits fondamentaux est particulièrement difficile. Ces constats démontrent, une fois encore, la nécessité d'une approche intersectionnelle des droits humains et de la protection contre les discriminations afin de garantir des droits universels à toutes les personnes trans

Commentaire invité de Fabienne Bieri de ProCoRe au sujet du magazine «Travailleur·euse·x·s du sexe trans»

Malgré quelques améliorations des droits des personnes trans en Suisse, tels que la simplification de la modification du registre d'état civil, il existe encore, du point de vue des droits humains, des obstacles importants pour les personnes trans en matière d'accès à leurs droits. Les personnes trans subissent des discriminations dans le domaine de la santé, le monde du travail, la recherche d'un logement, mais aussi dans l'espace public et privé. Faire valoir leurs droits fondamentaux est encore plus difficile pour les personnes trans travailleuses du sexe. En effet, elles sont victimes de discriminations et de stigmatisations multiples, en raison de leur identité de genre, de leur apparence, leur profession ou leur statut de séjour. Ainsi, l'accès aux soins, à la protection contre les discriminations, à la prévention de la violence et aux prestations sociales leur est souvent refusé.

Une double stigmatisation

Bien que la plupart des travailleur·euse·x·s du sexe (TdS) soient des femmes cis, les personnes trans sont surreprésentées dans ce domaine comme le relève Amnesty International. Le travail du sexe permet, en effet, à de nombreuses personnes marginalisées d’accéder à un revenu. En ce qui concerne l'accès aux prestations médicales telles que les examens gynécologiques, la prévention du VIH et les prestations médicales d'affirmation de genre, les TdS trans se heurtent toutefois à des obstacles importants, comme l'explique Flores Real, responsable du projet "Male and Trans Sex Work" de la ville de Zurich dans le magazine ProCoRe (mars 2023). Les personnes trans y sont confrontées de manière générale, mais les TdS trans vivent une double stigmatisation : elles doivent trouver des lieux de traitement inclusifs non seulement pour les personnes trans, mais aussi pour les TdS. Les barrières sont particulièrement importantes pour les TdS trans ayant un parcours migratoire et ne disposant pas d’une assurance-maladie. Cette situation a d’importantes conséquences pour les personnes souhaitant suivre une thérapie hormonale : nombre d’entre elles se sentent contraintes de recourir à des substances nocives pour leur santé obtenues de manière illégale ou doivent renoncer à des soins d'affirmation de genre au risque d’atteintes considérables à leur santé psychique. Si quelques offres légales existent à l'étranger, elles ne représentent que très rarement une option en raison de divers obstacles tels que la nationalité, les coûts ou encore les possibilités de déplacement.

Racisme, transphobie et putophobie

La protection fait également défaut en matière de violences. Selon le Rapport sur les crimes de haine 2022, le nombre d'agressions transphobes en Suisse a fortement augmenté par rapport aux années précédentes. Pourtant, la proposition d'inclure la discrimination fondée sur l'identité de genre dans la norme pénale contre le racisme en 2020 a été rejetée par le Parlement. Bien qu'il n'existe pas de données statistiques sur les agressions par profession en Suisse, les travailleur·euse·x·s du sexe trans sont particulièrement exposé·e·x·s à la violence à l'échelle mondiale. Le projet de monitoring "Trans Murder Monitoring" montre que dans le monde, près d'une personne trans assassinée sur deux est TdS et, dans la plupart des cas, racisée. Ces statistiques montrent les effets dévastateurs et croisés du racisme, de la transphobie et de la putophobie. La protection lacunaire contre la violence est renforcée par les discriminations et les pratiques policières. Dans un article du magazine ProCoRe, la travailleuse du sexe Diabla raconte son expérience avec la police en tant que femme trans, latina et travailleuse du sexe. Les TdS, les personnes trans, les migrant·e·x·s et les personnes racisées sont particulièrement exposées aux discriminations policières avec pour conséquence, qu’en cas de violence, la police n'est souvent pas sollicitée.

Protection intersectionnelle contre les discriminations

Les discriminations existent également dans l'accès au logement et au marché du travail. Selon le Transgender Network Switzerland (TGNS), en Suisse, les personnes trans sont beaucoup plus fréquemment au chômage et le restent plus longtemps que la population moyenne. Un changement de profession peut représenter un grand défi pour les travailleur·euse·x·s du sexe trans. Dans le domaine du travail du sexe, les discriminations dans l’accès au logement entraînent des conditions de vie et de travail encore plus précaires pour des personnes trans qui rencontrent des difficultés à trouver des lieux abordables et sûrs pour vivre et travailler.

Ces problèmes ne peuvent être combattus que si la protection contre les discriminations est pensée de manière intersectionnelle. En Suisse, les droits et la protection des personnes trans doivent être développés en tenant compte de la situation et des perspectives des personnes avec un parcours migratoire, des expériences de racisme et les TdS, par exemple, en facilitant l’accès à l'hormonothérapie pour toutes les personnes trans vivant et/ou travaillant en Suisse. Il est primordial de déstigmatiser et décriminaliser le travail du sexe afin d'améliorer l'accès à la santé, au logement, au travail et à la justice de tou·te·x·s les travailleur·euse·x·s du sexe.