24.04.2024
Climat et changement climatique: définitions
Le climat et la météo
Le terme «climat» renvoie à l’ensemble des phénomènes météorologiques qui se produisent sur une longue période (généralement 30 ans) dans un territoire donné. Le climat correspond donc en quelque sorte à la moyenne des météos pendant un intervalle de temps donné, et est mesuré à l’aide de paramètres météorologiques tels que la température, les précipitations, le taux d’humidité dans l’air, l’ensoleillement, etc. Le terme «météo» décrit l’observation de ces mêmes variables pendant un court laps de temps (allant d’une heure à un jour) sur une aire géographique spécifique. En résumé, le climat et la météo sont calculés à partir des mêmes phénomènes, mais se distinguent par les dimensions de la région analysée et la durée de la période prise en compte.
L’effet de serre naturel et l’effet de serre anthropique
L’effet de serre est indispensable au maintien de la vie sur Terre, puisqu’il permet l’absorption et la transformation en chaleur des rayons du soleil qui pénètrent dans l’atmosphère. Sans ce phénomène, la température moyenne de la Terre se situerait autour de 18°C. Si l’effet de serre est donc un phénomène naturel, l’humanité a en revanche massivement contribué à son intensification depuis la révolution industrielle. Les immenses quantités de gaz à effets de serre (GES) tels que le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane (CH4) rejetées dans l’atmosphère depuis la fin du XVIIIe siècle retiennent une plus grande partie des rayons du soleil reflétés par la surface de la Terre, ce qui conduit au réchauffement planétaire. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) définit ainsi le dérèglement climatique d’origine anthropique: «changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables» (art. 1 al. 2 CCNUCC).
Origine du changement climatique
Comme indiqué plus haut, la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est en constante augmentation depuis le début de l’ère industrielle, hausse qui est incontestablement le fait de l’humain. La consommation de combustibles fossiles (qui représente plus de la moitié des émissions anthropiques de GES), l’exploitation agricole intensive (en particulier l’élevage de bœufs) et la déforestation sont toutes des activités humaines qui ont pour conséquence l’augmentation drastique des émissions de CO2, de CH4 et de protoxyde d’azote. Elles constituent une source d’émission bien supérieure aux émissions naturelles, qui viennent renforcer le phénomène. Du fait des émissions d’origine anthropique, la concentration actuelle de GES dans l’atmosphère est la plus élevée depuis 800 000 ans.
Le CO2 est le GES qui participe le plus au réchauffement planétaire puisqu’il est responsable de près de 75% de l’effet de serre anthropique. Bien que d’autres gaz tels que le méthane ou les gaz fluorés soient des GES beaucoup plus puissants, c’est le CO2 qui est le gaz le plus nocif pour le climat en raison de sa longue durée de vie dans l’atmosphère. Les études portant sur le climat choisissent donc généralement le CO2 comme valeur de référence pour leurs mesures («équivalent CO2»). À l’échelle mondiale, 4,5 tonnes de CO2/personne ont été émises en moyenne en 2020. Les émissions directes suisses (basées sur la production) pour la même année s’élevaient à environ 4 tCO2/pers., la Confédération se plaçant ainsi au 84ème rang mondial, juste en dessous de la moyenne. La Suisse figure cependant parmi les pays qui importent le plus de CO2: une fois cette donnée prise en compte (émissions basées sur la consommation), les chiffres montent en flèche pour atteindre plus de 12 tCO2/pers., la Suisse se retrouvant alors en 15ème position, bien au-dessus de la moyenne mondiale.
L’utilisation des terres pour les activités humaines est aussi une cause du changement climatique. L’imperméabilisation des sols, la déforestation, mais aussi l’irrigation sont autant de facteurs qui influencent le rayonnement du soleil sur la surface de la Terre: le moindre changement peut alors avoir de grandes répercussions sur la couverture végétale ou la capacité de rétention d’eau d’un sol. Les variations ainsi engendrées dans la formation des nuages et les transports d’énergie viennent accentuer ou atténuer le réchauffement induit par les GES.
Conséquences du dérèglement climatique
Les changements climatiques causés par les émissions anthropiques prennent des formes très diverses: hausse des températures à l’échelle mondiale, intensification des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les pluies intenses ou les sécheresses, raccourcissement des hivers, aridité des étés, hausse du niveau des mers, fonte du permafrost, chute de la biodiversité… et cette énumération est loin d’être exhaustive. Ces conséquences, c’est-à-dire ces modifications des écosystèmes naturels, se répercutent à leur tour sur la santé, voire sur la vie humaine. Ainsi, les périodes de sécheresse créent des famines, entraînant des décès; les canicules causent la mort d’un grand nombre de personnes; la hausse du niveau des mers menace l’habitat de millions de personnes. Enfin, la pénurie d’eau qui touche aujourd’hui déjà certaines régions du monde peut aussi être attribuée au dérèglement climatique. Ces changements, couplés à l’augmentation de la pauvreté et à l’instabilité économique, ont pour répercussions d’importants mouvements migratoires à l’échelle tant locale que mondiale et augmentent la probabilité que surviennent des conflits violents. En résumé, ils ont des conséquences néfastes sur les écosystèmes, diminuent la production mondiale de nourriture et constituent une menace pour la santé et la sécurité des êtres humains.
Litiges climatiques et contentieux en droit de l’environnement
Dérèglement climatique ou pollution environnementale?
S’il n’est pas rare d’employer «protection du climat» et «protection de l’environnement» comme synonyme dans l’usage courant, il est important de saisir les nuances qui séparent ces deux concepts. Le terme «protection de l’environnement» désigne l’ensemble des activités menées pour préserver ou restaurer la qualité de l’environnement. Le terme «protection du climat» est plus spécifique et renvoie à l’ensemble des mesures permettant de lutter contre les changements climatiques: cette catégorie comprend notamment les mesures visant la réduction des émissions anthropiques de GES afin de lutter contre le réchauffement planétaire. La protection du climat est un des aspects de la protection de l’environnement.
Quel est le lien entre le changement climatique et la pollution environnementale en général? Le terme «pollution» désigne les détériorations de l’environnement causées directement ou indirectement par l’activité humaine et qui portent atteinte à la santé humaine ou à la qualité des écosystèmes. La pollution se décline à l’infini: pollution de l’air, des sols et de l’eau, érosion des sols, etc. La pollution de l’air est un exemple de boucle de rétroaction, puisque le CO2 massivement rejeté dans l’atmosphère est en grande partie responsable de l’effet de serre d’origine humaine, ce qui accentue le réchauffement planétaire.
Litige climatique ou contentieux en droit de l’environnement?
S’il n’existe pas de séparation claire entre les litiges climatiques et les procédures juridiques introduites pour défendre le droit de l’environnement, il est possible de les distinguer en fonction du degré d’influence directe que les émissions anthropiques ont sur le bien juridiquement protégé (vie, santé, etc.). Une violation du droit de l’environnement classique peut être constatée dès qu’un lien direct a été établi entre la pollution et les dommages environnementaux. L’extraction de métaux lourds dans une mine de cuivre pollue par exemple le sol, ce qui augmente les risques de développer un cancer pour les personnes y travaillant ou habitant aux abords de la mine. Le lien de causalité entre les manquements de l’entreprise exploitant la mine de cuivre et les conséquences sanitaires pour la population est facile à démontrer. Un litige climatique en revanche impliquera de reconstituer une suite complexe d’événements: les émissions de multinationales ou d’États intensifient l’effet de serre, entraînant un réchauffement de l’atmosphère terrestre. Cette hausse mondiale de la température cause des sécheresses, une montée du niveau des mers ainsi que des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent à leur tour avoir des répercussions désastreuses pour les humains. Il est donc beaucoup moins aisé de démontrer l’existence d’un lien entre les responsables des émissions de GES et les conséquences sanitaires pour l’espèce humaine.
Justice climatique
Que signifie la «justice climatique»?
Aujourd’hui comme hier, les pays occidentaux sont principalement responsables des émissions de GES à l’origine du changement climatique. Ce sont par ailleurs les pays dits «en développement» qui subissent la majorité des conséquences du réchauffement planétaire malgré leurs faibles émissions. La notion de justice climatique a été pensée pour pallier cette inégalité, afin de rééquilibrer la répartition inégale des conséquences du réchauffement planétaire. Elle repose notamment sur le principe de justice sociale, puisque les pays riches industrialisés doivent non seulement réduire drastiquement leurs émissions pour atteindre la neutralité climatique, mais aussi soutenir de manière adéquate les pays dits «en développement» dans la mise en place de mesures d’adaptation et de protection du climat. Les pays industrialisés doivent donc endosser la responsabilité des suites du réchauffement qu’ils ont causé, en vertu du principe de causalité.
Climat et racisme
Le racisme et le (néo)colonialisme ne doivent pas être négligés quand on parle de protection du climat et de justice climatique, car ils sont deux composantes importantes du problème. Les technologies avancées et les richesses matérielles accumulées par les pays occidentaux découlent, en plus du commerce triangulaire et de l’esclavagisme, du sentiment de supériorité des personnes Blanches qui leur a servi de prétexte pour justifier l’exploitation des pays non européens, causant d’importants dommages environnementaux. La crise climatique qui s’abat actuellement majoritairement sur les pays dits «en développement» et sur les personnes racisées est le résultat de plus de 500 ans de colonialisme. Les débats qui s’articulent autour du dérèglement climatique négligent souvent l’aspect structurel de la crise climatique. Les populations des pays dits «en développement» sont rarement écoutées, le système favorisant le profit individuel qui intensifie la crise climatique n’est pas remis en question et le tournant énergétique se fait aux dépens des pays dits «en développement» en raison des structures de pouvoir qui se perpétuent, à l’instar des dérives dans le domaine de l’extraction des matières premières.
Justice climatique et mesures de compensation à l’étranger
Depuis l’adoption du Protocole de Kyoto en 1997, les pays signataires peuvent atteindre leurs objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 en partie par des mesures de compensation à l’étranger. Dès les négociations ayant précédé l’accord suivant – l’Accord de Paris –, la Suisse a activement soutenu la possibilité de conclure des échanges bilatéraux de certificats d’émissions de CO2. Elle est aujourd’hui le premier pays au monde à mettre en œuvre un programme de compensation d’émissions de CO2 dans le cadre de l’Accord de Paris. Sous la houlette de la fondation KliK , South Pole développe le programme de bus électriques de Bangkok, en collaboration avec Energy Absolute, une entreprise thaïlandaise détenue à 25% par UBS Singapour. Dans une analyse détaillée, Alliance Sud et Action de Carême concluent que ce projet ne remplit pas le critère d’additionnalité et que les informations disponibles à son sujet sont lacunaires. Les deux organisations en déduisent que l’achat de certificats ne remplace pas la réduction des émissions domestiques. Dans une étude consacrée à un projet visant à équiper les Andes péruviennes de cuisinières efficaces sur le plan énergétique, Caritas parvient à la même conclusion.
Le commerce de certificats d’émissions entre fondamentalement en contradiction avec le principe de justice climatique, selon lequel les principaux pays émetteurs doivent réduire leurs émissions le plus rapidement possible. De plus, les projets de compensation des émissions de CO2 qui prennent la forme de projets de reboisement ou de protection des forêts représentent un danger pour les populations rurales et les communautés autochtones des pays du Sud global et une atteinte considérable à leurs droits humains. En effet, ces projets accaparent des terres agricoles en de nombreux endroits ou excluent l’exploitation durable et traditionnelle des forêts, souvent sans que les populations concernées aient librement accordé leur consentement au préalable, comme le montre l'enquête de l’EPER sur un projet en Sierra Leone.
Inégalités en matière climatique: la Suisse n’est pas épargnée
De nombreuses ONG actives en Suisse luttent en faveur de la justice climatique au niveau mondial. Bien plus rares sont les débats portant sur les répercussions du dérèglement climatique au niveau national, alors même que le pays enregistre une augmentation de la température plus marquée que la moyenne mondiale: les personnes exposées à la discrimination et au racisme en raison de leur âge, de leur sexe, de leur santé, de leurs conditions de vie ou de leur statut socio-économique se trouvent plus souvent dans des situations plus difficiles sur le plan de la vie tant privée que professionnelle, voire de dépendance. Elles sont plutôt actives dans les secteurs de la construction, de la restauration – dans les régions touristiques – ou de la santé, où elles sont particulièrement exposées aux conséquences du changement climatique. Leurs lieux de vie sont fréquemment situés dans des endroits moins privilégiés – des quartiers plus bétonnés, plus pollués et moins résilients face aux canicules; aussi ces personnes sont-elles plus susceptibles de souffrir de diverses affections psychologiques et physiques. En Suisse aussi, certains groupes de population sont victimes de discrimination. C’est le cas des habitant·e·x·s de Birr, dont la majorité sont migrant·e·x·s et n’ont pas pu s’opposer au projet de centrale à gaz, ne possédant pas de droits politiques. C’est aussi le cas pour les personnes qui n’ont pas de permis de séjour, dont le niveau d’éducation est peu élevé ou qui ne disposent pas de ressources temporelles et financières suffisantes; elles ne peuvent donc s’engager dans des démarches d’assainissement de leur habitation ou de végétalisation de leur quartier par exemple, autant de mesures de protection efficaces contre les vagues de chaleur. Enfin, les personnes placées sous la tutelle de l’État ou de particuliers – les détenu·e·x·s, les pensionnaires de centres pour requérant·e·x·s d’asile, d’hôpitaux psychiatriques, d’EMS ou d’écoles – ne peuvent elles-mêmes se protéger des conséquences du changement climatique et doivent donc espérer que les responsables les prennent en considération dans leurs politiques.