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Azerbaïdjan: le défenseur des droits humains a quitté le pays grâce à l'octroi d'un visa humanitaire

29.06.2015

Le journaliste et défenseur des droits humains azerbaidjanais Emin Huseynov a quitté son pays, après 10 mois d‘hébergement à l'ambassade de Suisse à Bakou. Cela a été annoncé par le Département Fédéral des affaires étrangères (DFAE), le 13 juin 2015.

Depuis 2003, Huseynov se battait pour la liberté d'expression et le droit de manifester pacifiquement dans son pays. Il a été battu à plusieurs reprises et maltraité par la police. Dans le sillage d'un durcissement croissant du régime du président Ilham Aliyev, venu au pouvoir en été 2014, les défenseur-e-s des droits humains  (DDH) ont été de plus en plus mis sous pression. En raison de craintes raisonnables pour sa sécurité personnelle, en août 2014 Huseynov s'est enfui à l'ambassade de Suisse à Bakou.

Visa humanitaire

Comme la «Rundschau» de SRF1 l'a rapporté dans un article paru le 3 juin 2015, la Suisse avait en vain négocié jusque-là avec les autorités azerbaïdjanaises sur les garanties des défenseur-e-s des droits humains. Par conséquent, l'avocat de Huseynov a demandé à la Suisse l'octroi d'un visa humanitaire. Depuis l'abolition du dépôt d'une demande d'asile à l'ambassade en 2012, le visa humanitaire est en effet le seul moyen permettant à une personne de quitter son pays pour des raisons politiques.

Selon le communiqué de presse du DFAE du 13 juin 2015, Huseynov a voyagé en compagnie du chef du Département des affaires étrangères Didier Burkhalter. Le ministre était à Bakou pour représenter la Suisse à la cérémonie d'ouverture des premiers Jeux européens.

Condamnation de l'Azerbaïdjan dans le cas Huseynov

L'affaire Huseynov a également fait l'objet d'une procédure auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH). La Cour a condamné l'Azerbaïdjan en mai 2015 pour violation de diverses garanties de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). L'arrêt se réfère à des incidents survenus en 2008, lorsque la police avait dissout un rassemblement pacifique et saisi le journaliste azerbaidjanais. Entre autres, la CrEDH a conclu que les autorités avaient détenu Huseynov arbitrairement et illégalement (violation de l'art. 5 de la CEDH) et lui avaient fait subir de mauvais traitements lors de la garde à vue (violation de l'art. 3 de la CEDH).

De bonnes relations bilatérales

La Suisse et l'Azerbaïdjan, pays riche en huile et en gaz, ont entretenu des contacts étroits pendant une longue période. Des réunions de haut niveau ont été organisées plusieurs fois par année. Du point de vue économique, l’Azerbaïdjan représente pour la Suisse un partenaire intéressant. Plusieurs entreprises suisses sont actives dans le pays sur la mer Caspienne, et vice versa. L'Azerbaïdjan a également remporté récemment l'approvisionnement énergétique européen et suisse. L'entreprise énergétique suisse Axpo est impliquée dans la construction d'un important gazoduc pour approvisionner l'Europe occidentale.

Depuis qu'Emin Huseynov a trouvé refuge à l'ambassade suisse, les relations entre Bakou et Berne ne sont cependant plus au beau fixe, comme l'a rapporté l'émisson alémanique «Rundschau». Au moment de son évasion, le défenseur de 35 ans devait être arrêté sous de fallacieuses accusations criminelles, notamment une accusation de fraude fiscale. C'est pourquoi il craignait l'emprisonnement et la torture.

Répression sans précédent

Huseynov est le fondateur de l’Institut des reporters «Pour la sécurité de la liberté», l'organisation dirigeante des droits des médias en Azerbaïdjan. Il a mené entre autres de nombreuses manifestations et fait campagne contre la suppression de la liberté d'expression.

Le refuge du défenseur des droits humains Huseynov à l'ambassade suisse s'inscrit dans le contexte d'une vague sans précédent de répression contre l'opposition des militant-e-s, des avocat-e-s, blogueurs et blogueuses, sans oublier des journalistes. Cette vague a débuté en 2013 avant l'élection présidentielle. A cette époque, plusieurs personnalités de l'opposition candidates à l'élection, ont été arrêtées pour des raisons politiques.

Plus de 100 défenseur-e-s des droits humains emprisonnés

Après l'élection présidentielle du mois d'octobre 2013, qui a confirmé le chef d'Etat de longue date Aliyev, des perquisitions et arrestations en masse ont eu lieu contre des organisations de la société civile, telle que l’organisation Human Rights House.

sSelon des sources azerbaïdjanaises, jusqu'à l'été 2014, les autorités avaient pris en garde à vue plus de 100 collaborateurs et collaboratrices de Huseynov. Le  site Internet de Human Rights House mentionne également la détention d'un éminent avocat des droits humains, d'un gestionnaire de campagne des ONG et de plusieurs journalistes et blogueurs.

Vaines négociations du DFAE

Dans son communiqué de février 2015, la DFAE avait rappelé que, depuis août 2014, la Suisse avait autorisé Huseynov à séjourner dans les locaux de son ambassade «pour des raisons humanitaires». La télévision suisse avait déclaré que la Suisse était en négociation jusqu'à ce qu'une solution satisfaisante soit trouvée avec les autorités azerbaïdjanaises.

Le séjour de Huseynov à l'ambassade de Bakou avait été gardé secret jusqu'à la parution du premier rapport de la «Rundschau» de la télévision suisse alémanique SRF en février 2015. Le DFAE avait probablement espéré que pour le bien des relations économiques, une solution soit trouvée rapidement. La voie diplomatique s'est cependant avérée inféconde. 

Depuis 2013, le DFAE s'est engagé de plus en plus en faveur des défenseur-e-s des droits humains. En décembre 2013, la Suisse a rédigé ses propres lignes pour leur protection. Ceci dans le but d'unifier la pratique des représentations suisses à l'étranger pour la protection des personnes qui se sont engagées pour les droits humains.

En 2014, la Suisse a placé la protection des DDH au cœur de sa présidence de l'OSCE. A ce sujet, elle a organisé plusieurs conférences, y compris un événement qui s‘est déroulé en juin 2014 à Berne. En plus de nombreux autres défenseur-e-s des droits humain et décideurs/décideuses de la région de l'OSCE, l'Azerbaïdjanais Emin Huseynov avait été parmi les participant-e-s.

Sources