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L'ONU engagée dans la protection des DDH

26.08.2016

L’ONU a mis en place depuis 1998 de nombreux moyens de protection en faveur des défenseur·euse·s des droits humains (DDH). Par sa Déclaration sur la protection des défenseurs des droits de l’homme de 1998, l’Assemblée Générale de l’ONU ouvrait la voie à ce procès. En 2000, le Secrétaire général de l'ONU a créé un mandat pour le Rapporteur spécial sur la situation des DDH.

Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme

La déclaration de l’ONU de 1998 fixe pour la première fois des standards minimaux pour la protection des défenseur·e·s des droits humains (DDH).  Elle appelle les Etats à soutenir leurs activités et concrétise les droits existant de façon à faciliter leur application dans des situations données. La Déclaration donne une définition large de ce qu’est un défenseur des droits humains. Elle fait rentrer dans cette catégorie non seulement ceux qui défendent les droits humains en tant que professionnels spécialisés, mais aussi les membres d’autres corps de métier, tels les journalistes et les avocats, sans oublier les bénévoles et tous ceux qui ont une activité en rapport avec les droits humains, même si ce n’est qu’occasionnellement.

La Déclaration spécifie en outre que les Etats ont le devoir de protéger les DDH des acteurs étatiques autant que des acteurs privés (entreprises ou groupes fondamentalistes).

Bien que la Déclaration ne soit pas contraignante, elle représente malgré tout une étape historique. Sans elle, il n’aurait pas été possible pour la Commission des droits de l’homme de l’ONU de créer en 2000 le mandat de Représentant spécial du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l’homme, qui depuis s’est changé en mandat du Rapporteur spécial sur le même sujet. Elle a également constitué un moteur puissant pour la création d’un mandat de Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (2004) et pour la mise en place d’une Unité des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (2001). La Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme a également un impact sur la politique de l’Union européenne et de la Suisse en la matière.

Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme

En 2000, deux ans après l’adoption de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, l'ancienne Commission des droits de l'homme (remplacée depuis par le Conseil des droits de l'homme) a mandaté le Secrétaire général de l’ONU pour qu’il mette en place un mandat de Rapporteur spécial pour les défenseurs des droits de l’homme (Résolution 2000/61).

En créant ce mandat la Commission voulait contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration et s'assurer une information régulière sur la situation des défenseur-e-s des droits humains de par le monde.

Le Secrétaire général des Nations Unies a nommé en août 2000 Hina Jilani en tant que Représentante spéciale du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l'homme. Son mandat a été renouvelé par la Commission en 2003 (Résolution 2003/64), puis par le Conseil des droits de l'homme en 2007 (Résolution 5/1). En 2008 (Résolution 7/8) puis en 2011 (Résolution 16/5), le Conseil des droits de l'homme décida de renouveler encore le mandat, à chaque fois pour une période de trois ans. En mars 2008, il nomma Margaret Sekaggya Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme. En 2014, le mandat fut à nouveau prolongé de trois ans et le Français Michel Forst fut nommé à la place de Margaret Sekaggya. La résolution renouvelant le mandat bénéficia d’un fort soutien lors de la session du Conseil des droits de l’homme de mars  2014 et fut sponsorisée par 79 États. La Russie, l’Afrique du Sud et quelques autres États tentèrent sans succès de l'affaiblir.

Mandat

Le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme est large et prend appui sur trois points stratégiques:

  • Solliciter, recevoir et examiner les informations concernant la situation de certain-e-s DDH et y donner suite.
  • Instituer une coopération et entretenir un dialogue avec les gouvernements et d'autres acteur-e-s intéressé-e-s, s'agissant de la promotion et de la mise en œuvre effective de la Déclaration.
  • Établir des stratégies efficaces pour mieux protéger les défenseur-e-s des droits humains, formuler des recommandations et assurer leur suivi.
  • Le Rapporteur spécial doit tenir compte de la perspective genre dans l’ensemble de son travail.
  • La résolution du Conseil des droits de l’homme exhorte les États à collaborer avec le Rapporteur spécial et à lui transmettre toutes les informations utiles. Il est par ailleurs demandé aux États de mettre en œuvre les recommandations du Rapporteur spécial et de les suivre.

Les mécanismes

Chaque année, le Rapporteur spécial présente un rapport au Conseil des droits de l'homme et à l’Assemblée générale de l’ONU. Il y signale les tendances et les sujets de préoccupation essentiels qui se sont dégagés au cours de l'année et formule des recommandations sur la manière de les traiter.

Plusieurs mécanismes sont par ailleurs à disposition dans le cadre du mandat sur la situation des défenseurs des droits de l'homme. Les visites par pays constituent un de ces mécanismes, parmi les plus importants. Lors de ces visites, le Rapporteur spécial a l’occasion d’enquêter de façon approfondie sur la situation des DDH et de découvrir les problèmes spécifiques au lieu. Ces visites durent entre cinq à dix jours. Le Rapporteur rencontre alors les membres du gouvernement, les institutions indépendantes des droits humains, des institutions onusiennes, des médias, des DDH ainsi que d'autres acteur-e-s.

Chaque visite est suivie d'un rapport à l'attention du gouvernement où sont consignées les principales recommandations et préoccupations du Rapporteur spécial. En Arménie en 2010, Margaret Sekaggya avait notamment souligné les agressions contre les journalistes et les restrictions apportées à la liberté d'association. Elle avait recommandé au gouvernement arménien d'établir le dialogue et la collaboration avec la société civile et les médias, afin d’encourager la confiance. En 2012, l’Observatoire pour la protection des DDH (OBS) avait relaté que l’État arménien avait accepté plusieurs demandes de la Rapporteuse spéciale, mais que la liberté de réunion restait entravée.

Le Rapporteur spécial examine également avec les États concernés des cas individuels de violation des droits humains dont ont été́ victimes des DDH. Suivant la situation, il enverra à l'État soit une lettre requérant une «action urgente», soit une lettre faisant état «d'allégations». Les premières demandent une intervention rapide de l'État dans une situation en cours, alors que les secondes interviennent lorsqu'il n'est plus possible de remédier dans le cas présent. Dans les deux cas,le rapporteur demande à l'État d'ouvrir une enquête et de l'informer des résultats.

D'autres mécanismes onusiens s'ajoutent à cela. Il s'agit d’une part d'un rapport du Secrétaire général de l’ONU sur des cas connus de répression ainsi que l'Email direct au Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (civilsociety@ohchr.org).

Assemblée générale de l’ONU: Résolution sur la protection des défenseurs des droits de l‘homme

Tous les deux ans, l'Assemblée générale de l'ONU (AG) adopte une résolution en rapport avec la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme, où elle demande aux États de respecter les droits qui y sont consignés et d'entreprendre les actions nécessaires. En outre, les représentant-e-s des institutions de l'ONU sont invité-e-s à documenter les répressions.

Les aspects clés incluent la requête que tous les représentant-e-s de l’ONU et des organes de traités fassent un rapport sur les allégations d'intimidation ou de représailles, et que le Secrétaire général assemble les cas récents dans un rapport annuel.

Cette série présente également l'occasion pour l'AG de rappeler aux États leur obligation de respecter les droits humains dans le cadre des mesures sécuritaires et antiterroristes qu'ils adoptent. Depuis le 11 septembre 2001, nombre d’États utilisent le terrorisme comme excuse pour réprimer les défenseurs et défenseuses des droits humains sous couvert de mesures sécuritaires.

En décembre 2015, la résolution a été adoptée par l'Assemblée générale par une claire majorité, et ce malgré l'opposition véhémente des poids lourds que sont la Chine et la Russie.