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Affiche de l'UDC : en campagne, (presque) tout est permis

Dans la campagne d’élection 2007, l’UDC du canton du Valais a utilisé une affiche qui montre des musulmans en train de prier devant le Palais fédéral. La légende de la photo indiquait « Utilisez vos têtes ! Votez UDC. Suisse toujours libre ! ». Le Tribunal fédéral a, le 27 avril 2009, décidé que cette affiche ne devait pas être ni interdite, ni condamnée.

Polémiquer sur les thèmes sensibles doit être possible

Quatre des cinq membres de la division légale du Tribunal fédéral ont justifié cette position par le fait que, dans ce cas, la loi sur la liberté d’expression prime sur la norme pénale antiraciste. Pour le dernier au contraire, le juge Hans Wiprächtiger, le message véhiculé par l’affiche ridiculise et rabaisse les musulmans dans leur dignité, et tombe clairement sous le coup de la loi. Selon la majorité des juges, une polémique, aussi choquante soit-elle, doit toujours pouvoir avoir lieu dans le cadre démocratique.

Le journal Le Temps est d'avis que le choix des musulmans n’est pas un hasard. Si l’UDC avait décidé de mettre en scène des catholiques, l’émotion de la population valaisanne aurait été touchée différemment. Le journal postule que si le procureur du Bas-Valais s’était fondé sur une autre disposition du Code pénal, qui précède immédiatement la norme pénale antiraciste et qui réprime l’atteinte à la liberté de croyances et de cultes (art. 261 CP), l’issue de la procédure aurait pu être très différente.

Commentaire par Tarek Naguib, Humanrights.ch

De la perspective des droits humains, la décision du Tribunal fédéral est louable. Il est vrai qu'elle traite d’un cas d’affiche blessante et profondément dégoutante. Toutefois, elle tombe sous la considération de la liberté d'opinion dans sa fonction démocratique, dans la mesure où elle ne présente pas clairement un caractère incendiaire ou n'entend pas propager une idéologie raciste. La majorité des juges fédéraux ont décidé de ne pas voir ces caractéristiques là dans cette affiche.

Selon la pratique du Tribunal fédéral, la norme antiraciste a été interprétée par les tribunaux pour « prendre en compte (...) la liberté d’expression. Il faut en particulier considérer que (...) les questions politiques et les problèmes de la vie publique relèvent d'une importance authentique». Dans une démocratie, il est central que les personnes ou les groupes puissent présenter leurs points de vue, même si cela déplait à la majorité et même si cela est choquant pour beaucoup. La critique doit également pouvoir revêtir une forme piquante. En comparant les deux pratiques du droit, le Tribunal fédéral estime qu'on ne doit pas trop attendre des remarques critiques. Le danger serait alors trop grand que des groupes ou des personnes n’osent plus formuler des critiques de peur d’être punis pénalement.