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Violence domestique - Dossier

Normes internationales

03.02.2023

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

La Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) est l’instrument international visant à combattre ce type de violations des droits humains, causé entre autres par la violence domestique.

Si la Convention ne contient aucune disposition explicite contre la violence à l’égard des femmes* ni contre la violence domestique, celle-ci doit être considérée comme une forme de discrimination au sens de l’art. 1 CEDEF, les femmes* étant affectées de manière disproportionnée par la violence domestique en comparaison avec les hommes*.

Le comité CEDEF, chargé de surveiller l’application de la Convention dans les États membres, a constaté à plusieurs reprises un non-respect de la triple obligation de l’État en matière de prévention et de lutte contre la violence domestique. Les expert·e·x·s le composant ont considéré dans les recommandations générales n° 12 et n° 19 que la violence à l’égard des femmes* constitue une forme de discrimination grave.

Convention relative aux droits de l’enfant

La Convention de l’ONU des droits de l’enfant (CDE), ratifiée par la Suisse en 1997, garantit la protection des enfants face à toute forme de violence physique ou psychique, aux atteintes à leur intégrité, aux abus, à la négligence, aux mauvais traitements, à l’exploitation, y compris aux abus sexuels. Outre le droit à la protection, la Convention couvre également les droits à la promotion et à la participation. 

Le comité des droits de l’enfant est chargé de surveiller l’application de la CDE dans les États parties et de rendre des observations générales et recommandations, qui mentionnent la violence envers les enfants dans le cadre familial.

Convention d’Istanbul

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) représente le premier instrument juridiquement contraignant de protection contre toute forme de violence au niveau régional. Le Groupe d’expert·e·x·s sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) est chargé de veiller à la mise en œuvre de la convention dans les États membres. La convention établit de manière explicite que la violence domestique doit être comprise comme une violation des droits humains (art. 3 let. a CI) et définit la violence domestique comme «tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime» (art. 3 let. b CI).

La convention encourage explicitement les États parties «à appliquer la Convention à toutes les victimes de violence domestique» (art. 2 al. 2 CI). Le préambule de la Convention souligne que les hommes* peuvent aussi être victimes de violence domestique, tout comme les enfants, qui sont notamment exposé∙e∙x∙s en tant que témoins à la violence au sein de leur famille. Sa définition ample et systémique des violences permet de couvrir tout type de violence envers toute victime.

La Convention exige des États contractants qu’ils prennent activement des mesures pour empêcher toute forme de violence à l’encontre des femmes*, qu’ils protègent les victimes, poursuivent et sanctionnent les auteur∙e∙x∙s à travers la mise en place de mesures coordonnées. La Convention oblige également les États à prendre des mesures contre les violences lors de la détermination du droit de garde et de visite concernant les enfants (art. 31 CI).Aussi, les champs d’action concernés portent tant sur la prévention de la violence que sur la protection des victimes et la poursuite pénale.

Avant la ratification de la Convention d’Istanbul le 14 décembre 2017, la Suisse a émis quatre réserves à sa mise en œuvre. Elle a notamment refusé de s’engager à poursuivre inconditionnellement des infractions prévues par la convention lorsqu’elles ont été commises par une personne ayant sa résidence habituelle en Suisse (art. 44 CI), lorsque l’infraction a eu lieu en partie seulement sur son territoire (art. 55 CI), et lorsque des violences sexuelles à l’encontre des adultes (art. 36 CI) ou des avortements et stérilisations forcées (art. 39 CI) ne sont pas incriminés dans le pays où ces faits ont été commis. De plus, la réserve que la Suisse a émise sur l’article 59 CI ferme la porte à une extension de la protection des victimes prévue par la loi sur les étrangers et l’intégration (art. 50 LEI) aux épouses de titulaires d’une autorisation de séjour (permis B), d’une autorisation de courte durée (permis L) d’une admission provisoire (permis F) ou des personnes requérantes d’asile (permis N) et de titulaires d’une autorisation d’établissement (permis C). Cette disposition de la LEI offre en effet un droit au renouvellement du permis lorsque la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures, notamment lorsque le/la conjoint∙e∙x est victime de violence conjugale.

Convention européenne des droits de l’homme

En 2009, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a défini pour la première fois la violence domestique en tant que «phénomène qui peut prendre diverses formes – agressions physiques, violences psychologiques, insultes [et qui] n’apparaît pas toujours au grand jour car il s’inscrit fréquemment dans le cadre de rapports personnels ou de cercles restreints et qui ne concerne pas exclusivement les femmes» (Opuz c. Turquie, 9 juin 2009), les hommes* et les enfants pouvant aussi directement ou indirectement faire l’objet de violences domestiques.

La CrEDH a constaté dans plusieurs arrêts des violations de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) en lien avec des cas de violence domestique. Les violations du droit à la vie (art. 2 CEDH), de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH), du droit à un procès équitable (art. 6 CEDH), du droit au respect de la vie privée et familiale et de la correspondance (art. 8 CEDH) et de l’interdiction de la discrimination (art. 14 CEDH) ont été retenues. Les châtiments corporels envers les enfants, la négligence par les parents sous une longue période relèvent de l’art. 3 CEDH.

Selon la CEDH, en plus du devoir de protection juridique, les États parties ont pour obligation de renforcer des politiques intégrées, d’apporter une aide aux victimes et de mener des enquêtes effectives, de prendre des mesures de prévention et de sensibilisation, ainsi que de suivre et collecter des données. 

Certains États parties ont été reconnu coupables d’avoir violé leur devoir de protection lorsque leurs autorités ont manqué à prendre les mesures pour prévenir le décès d’un enfant et de sa mère (Branko Tomašić et autres c. Croatie, 15 janvier 2009) ou encore lorsque le système juridique de l’État ne permettait pas des poursuites pénales même en cas de retrait des plaintes (Opuz c. Turquie, 9 juin 2009). Considérer la violence domestique comme une «affaire privée» n’est pas compatible avec l’obligation des autorités de protéger la vie familiale des requérant·e·x·s, cela résulterait à une violation de l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie familiale) (Bevacqua et S. c. Bulgarie, 12 juin 2008). Enfin, l’inactivité de la police, considérée comme une défaillance systémique, peut aussi constituer une violation des devoirs de l’État partie (Tkhelidze c. Géorgie, 8 juillet 2021).

* Le terme «hommes» fait référence aux personnes qui s'identifient entièrement ou partiellement au genre masculin ou qui sont perçues comme des garçons/hommes. Cette définition inclut les personnes trans, non binaires et intergenres. 

* Le terme «femmes» fait référence aux personnes qui s'identifient entièrement ou partiellement au genre féminin ou qui sont perçues comme des filles/femmes. Cette définition inclut les personnes trans, non binaires et intergenres.

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