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Droits politiques pour les personnes étrangères en Suisse

26.08.2015

En Suisse, les étrangers/étrangères n’ont dans la grande majorité des cas pas le droit de participer à la vie politique. Il leur est interdit de participer aux votations et élections fédérales. Les cantons et les communes peuvent cependant établir leurs propres réglementations en ce qui concerne le droit de vote des personnes étrangères. Cela signifie que les possibilités de participation politique dépendent considérablement du lieu de domicile. Un état de fait que ne manque pas de poser certaines questions, alors qu'un quart de la population qui vit sur le sol suisse ne dispose pas du passeport à croix blanche. 

La Commission fédérale pour les questions de migration (CFM) propose sur son site web toutes les informations importantes sur le droit de vote accordé aux étrangers/étrangères en Suisse

Röstigraben de la participation politique

Le Jura et Neuchâtel sont les seuls cantons de Suisse à donner aux  étranger/étrangères le droit de vote au niveau cantonal, tout en leur interdisant de se faire élire. Sur le plan communal cependant, les personnes étrangères vivant dans ces deux cantons peuvent voter et être élues sous certaines conditions, tout comme dans le canton de Vaud et de Fribourg. Le canton de Genève est un peu plus restrictif puisqu’il octroie aux étrangers/étrangères le droit de vote communal, mais pas le droit d'éligibilité.

En Suisse alémanique, la pratique est tout autre. Seuls trois cantons autorisent leurs communes à accorder le droit de vote aux étrangers/étrangères: Appenzell Rhodes-Extérieures, Grisons et Bâle-Ville. Par ailleurs, peu de communes de ces cantons ont profité de l’opportunité (AR 3/20, GR 23/125, BS 0/3). 

Les conditions liées aux droits politiques pour les étrangers/étrangères varient aussi considérablement d’un lieu à l’autre bien qu’elles soient presque partout attachées à une durée minimum de séjour ou/et au type de permis de séjour. Alors que Neuchâtel n’exige pour toute condition qu’une année d’établissement dans le canton pour octroyer des droits politiques à des personnes étrangères, la plupart des autres cantons demandent à ce qu’elles résident depuis 10 ans en Suisse et une à cinq années dans la commune.  

Citoyenneté et droit vote doivent-ils forcément aller de pair?

Non seulement le droit de vote et d'éligibilité, mais aussi la participation politique au sens large du terme, sont les piliers d’un État de droit démocratique. Ce n’est par hasard que la Constitution stipule textuellement que «Les droits politiques sont garantis» (art. 34 Cst.). La Loi fédérale sur les droits politiques (LDP) indique quant à elle que chaque citoyen-ne âgé-e de plus de 18 ans dispose du droit de vote, dans la mesure où il/elle n’est pas sous le coup d’une incapacité durable de discernement (art. 2 LDP). Le Pacte de l’ONU sur les droits civils et politiques lie lui aussi la participation politique à la nationalité (art. 25 Pacte II), tout comme le droit de voter et d'être élu. La CEDH en revanche ne mentionne rien de cela. C’est son protocole additionnel n°1 qui traite de ce sujet et la Suisse ne l’a pas ratifié. Il dispose en tous cas d’une formulation plus ouverte et parle, dans son article 3, de «libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif». 

En règle générale, les États soumettent la participation politique à la nationalité. Cette association n’est cependant pas obligatoire et elle n’a, historiquement, par percé partout de façon identique. Ainsi, le canton de Neuchâtel connaît le droit de vote pour les populations étrangères depuis 1849 déjà. En outre cette association est plus nuancée au sein de l’Union européenne. Les ressortissant-e-s de l’UE ont en effet le droit de voter et d’être élu-e dans chaque commune de l’Union, tant qu’ils/elles ont leur domicile dans un État membre de l’UE. 

L’importance de la participation politique

Le fait de soumettre la participation politique à la nationalité est toujours plus remis en question en Suisse. L’on y a voté 17 fois depuis 2001 sur cette question, comme le montre la documentation de la CFM. Résultat: un tiers des cantons ont introduit le droit de vote pour les étrangers/étrangères sur le plan communal et/ou cantonal ou projettent de le faire. 

Cette pression s’explique par le fait que de soumettre la participation politique à la citoyenneté fait peu de sens dans des États où la part de population étrangère est très élevée. Une telle participation constitue d’une part un avantage majeur pour l’intégration. D’autre part, il semble peu cohérent d’exclure de la vie politique des personnes qui vivent dans les limites de l’État, y paient des impôts et endossent nombre de responsabilités vis-à-vis de la collectivité.  

Un quart de la population ne peut ni voter ni être élue

Ce dernier point est un argument central du point de vue de la théorie de la démocratie. De fait, l’association participation politique-citoyenneté fait en Suisse encore moins sens qu’ailleurs, puisqu’il s’agit d’un État pratiquant une politique restrictive de naturalisation. La procédure de naturalisation est semée d’embûches même pour des descendant-e-s de la troisième et quatrième génération, avec pour conséquence qu’un quart de la population suisse ne dispose pas de la nationalité et ne peut donc à ce jour ni voter ni être élue. 

Le pourcentage d’adultes d’un État bénéficiant du droit de vote et d’éligibilité est un des critères à l’aune desquels les sciences politiques évaluent la qualité d’une démocratie. Des organisations telles que Freedom House ont la même pratique. Le manque d’accès aux droits politiques pour les populations étrangères combiné à une politique restrictive de naturalisation affecte gravement la qualité de la démocratie en Suisse et pose des questions de légitimité des décisions politiques. 

Il faut bien le constater: le droit de vote et d’éligibilité en Suisse n’est aujourd’hui pas absolument garanti.

Sources