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La Suisse suspend les renvois vers la Grèce

11.02.2011

«La situation régnant en Grèce nécessite de modifier l’application de la procédure Dublin.» C’est ce qu’indique l’Office fédéral des migrations (ODM) dans son communiqué de presse du 26 janvier 2011. L’ODM renonce ainsi, «jusqu’à nouvel ordre et dans une majorité des cas», à appliquer la procédure Dublin aux cas relevant de la Grèce. Il examinera lui-même les demandes d’asile des personnes concernées.

Ce faisant, la Suisse réagit au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CrDEH), qui a condamné le 21 janvier 2011 la Belgique et la Grèce pour violation des droits de l’homme (art. 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme CEDH). Les deux pays ont été condamnés pour n'avoir pas garantit à un requérant d'asile le droit à une procédure d'asile équitable.

Jugement de la CrEDH

La Belgique avait en effet renvoyé, sur la base de la réglementation européenne de Dublin II, un requérant d’asile afghan vers la Grèce. Mais si la procédure Dublin II, que suit également la Suisse, prévoit que les demandes d’asile soient examinées dans le premier pays d’accueil du requérant, l’administration belge ne pouvait ignorer que le requérant en question n’aurait pas là bas la possibilité d’accéder à une procédure d’asile équitable.

Dès à présent, la décision de la CrEDH fait jurisprudence et tous les demandeurs d’asile renvoyés en Grèce sont pratiquement assurés d’avoir gain de cause s’ils saisissent la justice européenne. Les Etats, dont la Suisse, sont donc amenés à prendre la mesure de la catastrophe grecque et, enfin, à suspendre le retour vers ce pays.

Une chance pour l’asile en Europe?

De nombreuses organisations de défenses des droits humains luttent depuis plusieurs années pour la suspension des renvois vers la Grèce. Elles saluent naturellement la décision de la CrEDH, grâce à laquelle de nombreux Etats ont renoncés a renvoyer les requérants vers la Grèce. La Belgique, le Royaume Uni, la Suède, les Pays-Bas, l’Islande, la Norvège, l’Allemagne, et bien sûr la Suisse, ont déjà fait le pas. D’autres devraient suivre très prochainement. 

Au delà du seul cas de la Grèce, le jugement de CrEDH va contraindre l’UE à reconsidérer ses règles en matière de traitement des demandes d’asile. Il permettra de réduire, en partie du moins, l’inégalité de pression qui règne entre les pays du sud de l’Europe, portes d’entrée géographiques évidentes des migrants, et les pays du nord, qui se déchargent sur eux depuis des années du poids de traiter les demandes des requérants d’asile.

Sonnette d'alarme...dans le vide

La situation n’est pas neuve en effet. La Grèce, tout comme l’Italie, Malte et l’Espagne, se plaint depuis de nombreuses années de la surcharge d’immigrants qu’elle doit affrontée. Sans pour autant trouver ni aide ni soulagement parmi les Etats du nord.

En décembre 2008 déjà, la Commission européenne avait ainsi proposé un mécanisme d’urgence. Objectif : permettre de suspendre les renvois des demandeurs d’asile dans le pays membre par lequel ils sont entrés dans l’UE lorsque ce pays est confronté à des difficultés, notamment liées à des afflux massifs. Mais la Commission s’était alors heurtée aux refus de la majorité des Etats.

Le rapporteur spécial sur la torture du Haut-Commissariat aux droits de l’homme avait lui aussi déjà tiré la sonnette d’alarme en octobre 2009. Dans un communiqué de presse destiné à tous les membres de l’espace Schengen-Dublin, il avait demandé qu’une renégociation du règlement de la procédure de Dublin II soit menée et que les Etats membres cessent de renvoyer des migrants vers la Grèce.

Sources