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Nouveau rapport de la Suisse transmis au Comité de l’ONU contre les discriminations raciales

18.12.2012

Le 30 novembre 2012, le Conseil fédéral a adopté les septième, huitième et neuvième rapports périodiques relatifs à l’application en Suisse de la Convention internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale (ICERD). Ce document montre les efforts entrepris entre 2008 et 2011 par la Confédération dans la lutte contre le racisme et les discriminations raciales. Il sera transmis dans une prochaine étape au Comité de l’ONU pour l'élimination de la discrimination raciale.

Pourquoi trois rapports en un?

Au départ, le rendu des septième et huitième rapports de la Suisse avait été fixé à novembre 2010. La Confédération ayant pris deux ans de retard sur cette échéance, il a finalement été décidé d’ajouter aussi le neuvième rapport au document. La fusion de plusieurs rapports n’a rien d’exceptionnel en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention contre le racisme. Le délai de deux ans (cf. art. 9 CEDR) est en effet beaucoup plus court que pour les autres conventions de l’ONU dont la durée des rapports est en règle générale de cinq ans. Le délai reste pourtant inchangé bien qu’il ait souvent été jugé comme peu pratique et peu réaliste étant donné que 175 Etats ont ratifié cette convention!

«La Confédération a donné suite à d’importantes recommandations»

Le rapport qui nous intéresse montre les efforts fournis par la Suisse entre août 2008 et décembre 2011. «La Suisse accorde un intérêt majeur à la mise en œuvre de cette convention, a souligné le Conseil fédéral lors de la publication du document. Depuis la présentation du dernier rapport, elle a donné suite à d’importantes recommandations du Comité de l’ONU». Le CF a mis en avant les mesures d’intégration adoptées par la Confédération, les cantons et les communes pour asseoir concrètement la protection contre la discrimination; en particulier, dans les domaines du conseil aux victimes de discrimination et de la prévention de toute discrimination structurelle.

Le rapport a été rédigé par la Direction du droit international public (DDIP) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en collaboration avec le Service de lutte contre le racisme (SLR) du Département fédéral de l’intérieur (DFI). Il est divisé en trois parties: la première partie, la plus grande, contient des «Informations générales». La seconde concerne l’examen de l’application des articles 2 à 7 de la Convention. La dernière et plus petite partie comporte un certain nombre de positionnements intéressants de la Confédération concernant les observations finales du Comité du 14 août 2008.

La législation contre le racisme: un puzzle

La structure choisie pour ce rapport entraine beaucoup de répétions. La législation suisse en matière de discrimination raciale est par exemple mentionnée dans trois endroits différents (cf. points 93, 126, 263). Si on lit les trois passages ensemble, on a l’impression que le Conseil fédéral défend le point de vue selon lequel les bases juridiques actuelles suffisent à protéger contre les discriminations. Or, il reconnaît que peu de procès pour discrimination sont intentés. «La voie juridique semble rebuter nombre de personnes concernées car les risques et les coûts sont trop élevés comparativement à l’utilité effective d’un succès devant les tribunaux,» explique-t-il (cf. point 94).

Au paragraphe 126 du rapport, sont répertoriées différentes dispositions du droit suisse qui peuvent être utiles contre les discriminations (il est fait mention par exemple de la loi sur l’égalité entre hommes et femmes, qui concerne les discriminations en raison du sexe et qui n’est en fait pas utile en ce qui concerne les discriminations raciales). Au point 264, on apprend que, effectivement, la Suisse ne dispose pas d’une législation nationale destinée à lutter contre les discriminations raciales au niveau fédéral. Selon le rapport, cette particularité n’est pas tant l’expression d’une lacune quant au fond, mais celle de la spécificité de l’ordre juridique suisse. Quelques lignes plus loin, au paragraphe 266, les auteurs du document ajoutent: «La mise en place du dispositif législatif complet de lutte contre la discrimination au niveau national que réclament la CFR et de nombreuses ONG se heurte actuellement à un manque de volonté politique.»

Finalement, le rapport évoque le fait que la Confédération planifie une étude «afin de mieux appréhender les mécanismes qui font obstacle à l’accès à la justice.» Un tel mandat est actuellement en consultation.

De plus en plus de rapports mal maîtrisés

L’examen du rapport transmis par la Suisse ne devrait pas être optimal pour le comité de la CEDR. 119 pages, c’est tout simplement trop long. Le comité contre le racisme mais aussi celui pour l'élimination de la discrimination à l'égard les femmes doivent souvent batailler contre des rapports étatiques que les auteurs ne maitrisent pas et sur lesquels il est impossible d’avoir une vue d’ensemble. Pour lutter contre ce délitement, les comités essayent d’obliger les Etats à ne communiquer que l’essentiel. La CEDR exige par exemple que les rapports ne dépassent pas les 40 pages. Pour la Suisse, la consigne a surement été interprétée ainsi: comme il s’agit d’une compilation de trois rapports, le nombre de pages doit être multiplié par trois.

Un autre point de vue

On ne sait pas encore quand sera traité le rapport de la Suisse par le comité de l’ONU. Mais dès que le calendrier du CEDR sera connu, les ONG suisses commenceront la rédaction d’un rapport alternatif pour s’exprimer et prendre position sur le rapport étatique.

Sources