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Pratiques culturelles

11.01.2023

Il existe dans le monde entier de nombreux pratiques, coutumes et rituels qui reflètent l'image que les communautés ont d'elles-mêmes. Certains d'entre eux sont toutefois sujets à des tensions, voire à des conflits, avec les droits humains internationaux.

Selon le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, la mutilation génitale féminine, le mariage forcé, le mariage d'enfant, l'homicide fondé sur la parenté, les restrictions alimentaires extrêmes, les pratiques d'accouchement traditionnelles, l'infanticide, la maternité précoce ainsi que la préférence accordée à la progéniture masculine et les désavantages qui en découlent pour les femmes et les filles constituent des violations des droits humains. En matière de droits sexuels et reproductifs, d'autres pratiques culturelles, telles que les opérations de changement de sexe sur les enfants intersexué·e·s et l'ablation du prépuce masculin, font en outre l'objet de débats. 

Bien que les conséquences individuelles de ces pratiques soient évidentes pour les personnes qui en souffrent, le passé colonial et l'orientation eurocentriste des droits humains doivent toujours être pris en compte dans le débat. La violence du discours qui s'exerce p. ex. contre différentes pratiques africaines, hindoues ou musulmanes s'inscrit dans une longue tradition (post)coloniale.

Les pratiques culturelles dans le droit international

Les normes internationales concernant les pratiques culturelles préjudiciables sont principalement contenues dans les traités portant sur les droits des femmes et des enfants. Selon la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), les États parties doivent abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants (art. 24 par. 3 CIDE). La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) mentionne notamment que les États parties s’engagent à «modifier ou abroger toute […] coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes» (art. 2 let. f CEDEF) et à «modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel […] en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes» (art. 5 let. a CEDEF).

Les deux comités relatifs à ces Conventions ont publié en 2014 une Recommandation générale/observation générale conjointe qui définit les pratiques culturelles qui portent atteinte aux droits humains des personnes qui en souffrent comme étant «enracinées dans la discrimination fondée sur le sexe, l’âge et d’autres motifs». Depuis, le débat s'est élargi: alors qu'auparavant, l'accent était mis sur un petit nombre de pratiques culturelles dans certains pays – ce qui a été critiqué pour sa vision réductrice – désormais, ces coutumes et rituels sont considérés comme le résultat des rapports de pouvoir socialement construits au sein même de diverses sociétés. Cette perspective permet d'inclure de nouvelles pratiques culturelles différentes.

Des instruments juridiques régionaux, comme le Protocole de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes et la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant, incluent explicitement des normes contre certaines pratiques culturelles dans leur ensemble. Au niveau européen, la Convention d’Istanbul (CI), ratifiée par la Suisse, prévoit notamment que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu «honneur» ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence (art. 12 par. 5 CI). Certaines pratiques spécifiques, telles que le mariage forcé, sont en outre proscrites dans de nombreuses conventions au niveau régional et international.

Enjeux actuels

Les pratiques et croyances traditionnelles sont souvent partagées par les membres d'une communauté depuis de nombreuses générations. Elles sont en général socialement acceptées et souvent considérées comme un devoir moral par les personnes qui les pratiquent. Cela vaut également pour les coutumes et les rituels qui ne bénéficient pas à tous les membres de la communauté – qu'il s'agisse de la société dans son ensemble ou d'une seule famille – et qui ont des effets négatifs sur le bien-être et les droits des personnes concernées, notamment le droit à la vie, à la santé, à l'autodétermination et à l'éducation. 

Les dommages physiques, psychologiques, économiques et sociaux à court et à long terme qui en résultent provoquent des limitations de la capacité de participer pleinement à la société et de développer les potentialités des personnes qui en souffrent. De plus, les personnes qui les subissent y consentent parfois par peur d’être exclues ou parce que le sujet est tabou, et ce malgré les conséquences préjudiciables. Les femmes et les enfants subissent le plus fréquemment les effets négatifs des pratiques culturelles, car celles-ci peuvent exprimer, sous couvert de traditions sociales et/ou religieuses, un rapport de pouvoir patriarcal et adultiste.

Rares sont les données et statistiques sur ces phénomènes. Selon des organes d'expert·e·s de l'ONU, certaines pratiques apparaissent dans de nouvelles régions, se renforcent du fait de conflits et peuvent gagner ou à l'inverse perdre de l'importance au fil du temps. Les mœurs évoluant, de nouvelles pratiques, qui sont ressenties comme un fardeau par les personnes qui en souffrent, sont par ailleurs régulièrement pointées du doigt. C'est notamment le cas des opérations de changement de sexe sur des enfants intersexué·e·s.

Critique postcoloniale

Dans le débat portant sur le caractère acceptable de certaines pratiques culturelles, les besoins des personnes qui en souffrent jouent un rôle primordial. L'efficacité du discours sur les droits humains doit cependant toujours être abordée dans une perspective postcoloniale, notamment lorsqu'on utilise le terme de «pratiques culturelles préjudiciables». Cette expression fréquemment utilisée est critiquée, car elle implique une dévalorisation très simpliste des cultures visées, porte les traces d'un récit colonialiste occidental, cache l'aspect sexospécifique des pratiques et renforce les préjugés à l'égard de certaines communautés culturelles et religions.

Enfin, il est fréquent de chercher la source de l'injustice, p. ex. l'oppression des femmes, dans les pratiques culturelles «traditionnelles» des pays anciennement colonisés, alors que certaines valeurs occidentales sont considérées comme intrinsèquement modernes et émancipatrices. Il existe une tendance et un danger à estimer que les cultures locales extra-européennes sont tout simplement patriarcales au nom de l'universalité des droits humains et d'accepter le relativisme culturel qui en découle sans réflexion.

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