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Institution nationale des droits humains

Création d'une Institution des droits humains en Suisse - Situation actuelle

24.09.2018

Les Nations Unies (ONU) soulignent depuis des années l’importance d’institutions nationales des droits humains, nécessaires pour mettre en pratique les codifications internationales des droits humains au niveau national. De fait, il existe aujourd’hui 74 Institutions indépendantes des droits humains de par le monde disposant d’un label A du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains (CIC). Parmi elles, 25 concernent des pays européens ayant rempli les standards liés à ce niveau du label (voir le suivi CIC).

Histoire sans fin

En 2001 déjà, près de cent organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, institutions religieuses et personnalités s’étaient engagés pour la création d’une telle institution en Suisse. Le 10 décembre 2001, les parlementaires Vreni Müller-Hemmi, membre du Conseil national, et Eugen David, membre du Conseil d’État, ont déposé devant les chambres une initiative parlementaire dans laquelle ils revendiquaient la création d’une commission suisse pour les droits humains.

Après nombre de discussions et d’éclaircissements, le Conseil fédéral a finalement décidé à l’automne 2009 de créer en premier temps un Centre de service universitaire en lieu et place d’une Institution nationale des droits humains. Il a également établi que le projet serait évalué après une phase pilote de 4 à 5 ans, après quoi il sera décidé s’il convient de transformer ce Centre de service en une Institution nationale des droits humains à proprement parler ou non.

Projets pilotes I et II du CSDH

Le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) a donc ouvert ses portes le 6 mai 2011. En tant que projet pilote, le CSDH a été mis en place pour une période déterminée, laquelle s’est terminée en fin 2015.  Le CSDH étant centré sur la prestation de services, il ne saurait en effet être considéré comme une INDH puisqu’il lui manque une des exigences essentielles des Principes de Paris: une indépendance absolue.

Suite à une évaluation du CSDH, le Conseil fédéral avait décidé le 1er juillet 2015, sur la base des expériences acquises, d’étendre le fonctionnement du Centre à un maximum de 5 ans. La décision de principe sur l’éventuelle transformation du CSDH en une Institution nationale indépendante avait cependant été repoussée d’au moins six mois.

Le Conseil fédéral respectera-t-il sa décision de principe?

Le 29 juin 2016, le Conseil fédéral a finalement acté sa décision de créer une Institution nationale des droits humains conformément à la base légale. Il a chargé le Département fédéral des affaires étrangères ainsi que le Département fédéral de justice et police d’élaborer un projet. Le 28 juin 2017, le Conseil fédéral a envoyé en consultation l'avant-projet pour une loi devant servir de base à la future Institution pour les droits humains. Le délai de consultation a expiré le 31 octobre 2017, avec à la clé un résultat mitigé. Alors que l'on attendait le projet définitif prêt à être transmis au parlement pour l'été 2018, le Conseiller fédéral Ignazio Cassis a réussi à orchestrer un nouveau coup de théâtre. En août 2018, il a ainsi renvoyé le projet pourtant en phase finale auprès de l'administration afin de demander encore des éclaircissements. Le danger est que Cassis décide de privilègier la version d'une INDH qui ne dispose d'aucune base légale. Cela réduirait à néant tous les efforts faits à ce jour.

Principes de Paris

La future INDH suisse devra en effet se baser sur les Principes de Paris, adoptés en 1993 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ceux-ci instaurent plusieurs exigences: un ancrage juridique, un mandat complet, une infrastructure et un financement suffisants, la garantie d’une indépendance totale vis-à-vis du gouvernement, une représentation pluraliste de la société civile ainsi que la garantie d’accès pour les groupes vulnérables.

Un modèle pour la Suisse

Durant l'été 2014, la Plateforme droits humains des ONG a adopté un modèle d’INDH suisse avec le soutien de ses 84 membres. Ce modèle précise les exigences minimales attendues d’une INDH suisse. Il liste de façon concise les tâches, compétences, ainsi que l’organisation attendues.

Pourquoi une telle institution?

La politique, l’administration et beaucoup de citoyennes et de citoyens n’ont pas clairement conscience de ce que signifient les droits humains, tels que ratifiés par la Suisse dans les conventions internationales, pour les différents domaines de la vie quotidienne. En Suisse aussi, les violations des droits humains existent et touchent souvent les groupes les plus vulnérables de notre société: personnes handicapées, enfants, femmes élevant seules leurs enfants, personnes vivant dans la pauvreté ou requérant-e-s d’asile. Une institution indépendante peut offrir un soutien aux autorités concernées. Ceci d’autant plus que nombre de questions liées aux droits humains relèvent de la compétence des cantons (formation, police, santé, etc.). Sur le plan international, la promotion des droits humains est par ailleurs depuis longtemps un champ d’action important de la politique extérieure suisse. Une institution qui veille à leur mise en œuvre en Suisse contribue à la crédibilité de la politique suisse des droits humains.

Enfin, après que différents organes de contrôle de l’ONU aient demandé à plusieurs reprises à la Suisse de mettre en place une telle institution, la Confédération a fini par accepter cette recommandation dans le cadre de son dernier Examen périodique universel, ceci avec l’accord des cantons. Elle s’est ainsi engagée à créer en Suisse une véritable institution nationale des droits humains.