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Initiative pour l\'autodétermination

L'essentiel en bref

01.10.2017

L’initiative populaire de l’UDC «Le droit suisse au lieu de juges étrangers», aussi nommée initiative pour l’autodétermination, a été déposée en août 2016 et passera en votation le 25 novembre 2018. Avec elle, l’objectif du parti est d’instaurer la primauté de la Constitution suisse par rapport au droit international et d’obliger ainsi les autorités à adapter les conventions et accords qui iraient à l’encontre du texte suisse, voire si nécessaire à les dénoncer. En outre, tous les accords internationaux non-soumis au référendum perdraient leur caractère contraignant.

Dans cet article, humanrights.ch revient sur la genèse de cette initiative ainsi que son contenu. Le Conseil fédéral, le Parlement et tous les partis à l’exception de l’UDC refusent catégoriquement l’initiative. Elle présente une menace pour la sécurité juridique de notre pays et transforme celui-ci en partenaire indigne de confiance. L’initiative pour l'autodétermination met en péril les droits humains en Suisse, notamment les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme. Et pour cause. L’initiative pour l’autodétermination aurait des effets gravissimes sur l’ordre juridique suisse, au point de mettre en danger sur les décennies à venir aussi bien les droits fondamentaux que la sécurité juridique globale, la stabilité et la prospérité du pays. Un chaos que l’on ne peut aujourd’hui comparer qu’avec le Brexit, à l’exception près que la Suisse irait encore plus loin en mettant en jeu ses relations avec tous les autres pays de la planète.

Mais d’où vient l’initiative pour l'autodétermination?

On se rappelle encore du discours du 1er août prononcé par Christophe Blocher en 2007. Depuis, l’UDC n’a eu de cesse, par le biais de polémiques savamment orchestrées et d’interventions politiques en tous genres, d’attiser la grogne contre la Cour européenne des droits de l’homme et plus généralement contre le droit international.

Situation juridique

En Suisse, chaque convention internationale ratifiée devient automatiquement partie intégrante de notre ordre juridique. La Constitution indique que ce sont le droit international et le droit fédéral qui sont déterminants et que la Confédération et les cantons sont tenus d’appliquer le droit international. Cela implique que les autorités et les tribunaux ont l’obligation d’appliquer le droit international, même lorsque celui-ci contredit certaines dispositions constitutionnelles.  

Aux cours des dernières années, l’on a voté à plusieurs reprises sur des initiatives qui ne respectaient pas entièrement le droit international, et notamment le droit international des droits de l’homme (par exemple: l’initiative sur les minarets, sur l’internement à vie ou sur le renvoi des étrangers criminels). Or, dans la mesure où les normes internationales font partie de l’ordre juridique suisse, celles-ci doivent tout de même être prises en compte au moment d’élaborer les lois d’application de l’initiative, tout comme les lois nationales et la Constitution. C’est évidemment aussi vrai en ce qui concerne les garanties des droits de l’homme.

Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage

Après l’adoption de chaque initiative incompatible avec le droit international, le Parlement a dû chercher des solutions afin d’élaborer des lois d’application respectant les droits humains. Au grand dam de l’UDC, qui s’est alors empressé à chaque fois de crier au scandale. Et c’est l’un des objectifs, ou tout du moins l’un des effets secondaires bien utiles, des initiatives contraires aux droits humains. Le parti peut ainsi tabler sur la difficile mise en œuvre de la votation pour générer un nouveau capital de sympathie et diaboliser systématiquement ceux qui se mettraient soit disant au travers de la «volonté populaire», qu’il s’agisse des «juges étrangers» ou du «droit international». L’initiative «Le droit suisse au lieu des juges étrangers» est ainsi venue couronner, en mars 2015, des années de polémiques bien orchestrées et c’est avec son slogan «contre les juges étrangers» que le parti d’extrême droite a entamé sa campagne pour les élections parlementaires l’automne suivant.

Fausse note

Cependant, après le ratage de l’initiative de mise-en-œuvre, le parti a hésité à se lancer avec l’initiative pour l’autodétermination. Pour rappel, l’initiative de mise-en-œuvre visait à faire appliquer telle quelle l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels, qui avait été acceptée par le peuple tout en contenant différentes mesures contraire aux droits humains. Afin de forcer la main du Parlement, l’UDC avait pour la première fois demandé dans l’initiative de mise-en-œuvre la primauté du droit suisse sur le droit international. Une proposition qui ne récolta pas l’approbation des votant-e-s.

Au final, l’initiative pour l’autodétermination fut déposée le 12 août 2016 avec 116’428 signatures valables. En juillet 2017, le Conseil fédéral recommanda au Parlement de refuser l’initiative. Il a été suivi par les deux chambres, qui ont également décidé de ne pas proposer de contre projet. Le Conseil des Etats a préconisé à une large majorité le rejet de l’initiative le 13 mars 2018 par 36 voix contre 6 et le National a adopté une posture identique le 11 juillet 2018 par 127 voix contre 67.

Que demande l’initiative pour l’autodétermination?

L’objectif de l’initiative est la primauté de la Constitution fédérale sur le droit international. Elle prétend régler de façon absolue et cohérente le rapport entre le droit national et le droit international. Force est pourtant de constater qu’au vu du texte de l’initiative, ce serait plutôt le contraire. Celle-ci amène en effet plus de nouveaux problèmes que de solutions.

Primauté de la Constitution fédérale

La première partie de l’initiative d’autodétermination vise à compléter l’article 5 de la Constitution fédérale d’une disposition précisant que «la Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération suisse». Ainsi, elle «est placée au-dessus du droit international et prime sur celui-ci». Seule exception admise: les «règles impératives du droit international».

Evacuer les conflits de normes

Avec la création d’un nouvel article 56a Cst., l’initiative prévoit que la Confédération et les cantons ne peuvent contracter aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale. En cas de conflit d’obligations, préciserait encore le nouvel article, ils revient à ces entités de veiller à ce que «les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés». Ici aussi, les règles impératives du droit international restent la seule exception admise.

Une exception de taille

Tout semble jusqu’ici limpide, mais la troisième modification constitutionnelle met un point final à l’ère de la prétendue clarté avec une nouvelle disposition qui va dans le sens inverse de tout ce qui est exigé plus haut et complique singulièrement la situation. L’article 190 Cst. modifié exige que le Tribunal fédéral et les autres autorités soient à l’avenir tenus d’appliquer, en plus des lois fédérales, l’ensemble des traités internationaux «dont l’arrêté d’approbation a été sujet ou soumis au référendum».

Ainsi, la primauté de la Constitution exigée à cor et à cri un peu plus haut se retrouve substantiellement relativisée, puisqu’il suffit qu’un accord international ai pu passer/puisse passer en votation – et c’est le cas d’une grande partie des traités internationaux ratifiés par la Confédération – pour qu’il conserve son caractère contraignant.