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Initiative pour l\'autodétermination

L'argumentaire

16.07.2020

Les arguments contre l’initiative d’autodétermination sont nombreux et de poids. Nous en citons certains ci-après, la plupart en lien avec les droits humains et la sécurité juridique en Suisse. Il faut cependant garder à l’esprit que l’initiative ne s’en prend pas uniquement aux droits humains, mais à l’ensemble du droit international. Cela touche donc également l’économie et les intérêts sécuritaires de notre pays.

Dans cet article humanrights.ch fait un bref tour d’horizon des principaux arguments contre l'initiative pour l'autodétermination.

L’objectif réel de l’initiative de l’UDC est la relativisation de la Convention européenne des droits de l’homme, voire même sa résiliation par la Suisse. En 1974, année de la ratification de la CEDH par la Suisse, ce type de texte n’était pas soumis au référendum. Si l’initiative pour l’autodétermination venait à être acceptée par le peuple, les autorités et tribunaux suisses ne pourraient plus faire appliquer les garanties de la CEDH si celles-ci entrent en conflit avec d’autres lois. Ainsi, les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg n’auraient plus aucun impact en Suisse. Comme c’est aujourd’hui le cas en Russie, la Convention européenne des droits de l’homme ne s’appliquerait plus que dans de rares cas. En conséquence, la Suisse n’aurait d’autre choix que de dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme et sortir du Conseil de l’Europe.

L’initiative menace les standards minimaux européens pour les droits humains et la sécurité juridique qui lui est liée. La CEDH est seule à permettre aux tribunaux de corriger les manquements en matière de droits humains qui seraient le fait du Parlement ou des votant-e-s. Car dans notre pays, il n’existe, en dehors du droit international impératif, aucune limite aux possibilités de modification de la Constitution. La protection qu’offre le droit international des droits de l’homme à nos libertés individuelles y est donc d’une importance capitale.
Erosion de la communauté européenne de valeurs

Et ce n’est pas tout. La CEDH est également garante de la paix, de la sécurité et de la liberté, toutes trois chèrement acquises en Europe. En violant volontairement la CEDH et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ou même en sortant du Conseil de l’Europe, la Suisse mettrait cela en danger. Sans parler du fait qu’elle serait alors le seul pays en Europe, avec la Biélorussie, à nier à ses citoyen-ne-s la protection offerte par la Convention.

Initiative malhonnête

L’UDC ne s’attaque pas aux droits humains à découvert. Le parti utilise un moyen détourné pour les affaiblir via la «primauté» de la Constitution. Les initiant-e-s ont bien conscience qu’une attaque frontale contre les droits humains n’aurait pas l’approbation de la population. Ils cherchent donc à susciter une décision populaire contre les droits humains en focalisant sur le côté à l’apparence abstraite du «droit international» et les épouvantails créés de toute pièce que sont dans leur compagne les «juges étrangers».
Incohérence

Comme cela a déjà été souligné, le fait que la primauté du droit suisse soit relativisée dans la troisième partie de l’initiative crée un paradoxe pour le moins problématique. Des accords internationaux secondaires se voient placés au dessus de la Constitution alors que ceux dont l’importance est primordiale passent après. En effet, la Convention pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires est passée par le référendum alors que celle pour la prévention et la répression du crime de génocide n’était pas soumise au vote populaire. L’initiative rend elle-même inatteignable son but de régler de façon absolue et claire le rapport entre le droit interne et le droit international.

Rupture de contrat = rupture de confiance

Dans le droit international comme dans les relations entre privé-e-s, l’usage veut que l’on se tienne aux accords librement consentis et aux contrats que l’on signe. Le droit international a même donné une maxime à ce principe: «Pacta sunt servanda». Une expression latine qui n’exprime rien de plus que ce qu’indique le bon sens, à savoir que les conventions doivent être respectées, sans quoi il ne fait aucun sens de les conclure, ou de conclure quelque accord que ce soit. La règle internationale qui prévaut est ainsi logiquement que les Etats ne peuvent pas en appeler à leur droit national pour justifier le non-respect d’un accord avec d’autres Etats.

C’est pourtant justement ce que demande l’initiative d’autodétermination. Les tribunaux suisses seraient contraints d’ignorer les obligations internationales contractées par notre pays si celles-ci n’ont pas été soumises au référendum et entrent en conflit avec la Constitution. Et la Confédération n’aurait d’autre choix que de renégocier tous les accords en question, voire de les dénoncer si la renégociation n’est pas possible. Ce faisant, la Suisse se fermerait complètement toutes les portes sur la scène internationale. Aucun pays ne voudra – et ne pourra – négocier avec elle sur une base aussi incertaine.

Auto-goal

Ce sont pourtant des Etats de petite taille, tels que la Suisse, qui ont le plus grand besoin de pouvoir compter sur le respect par tous des accords internationaux. Dans un monde où le droit international ne ferait plus foi, ce serait la loi du plus fort et du plus grand qui prévaudrait et cela ne se ferait pas à l’avantage de la Suisse.

Ce n’est pas par hasard que notre pays s’engage depuis toujours pour que le droit international soit fort et respecté de tous. L’initiative pour l’autodétermination est en ce sens un véritable auto-goal, puisqu’elle affaiblit un système dont la Suisse a pourtant impérativement besoin.
Economie: la Suisse n’est pas une île

Notre pays a d’ailleurs d’autant plus intérêt à ce que le système reste fort – et avec lui le droit international – qu’il s’inscrit dans l’économie mondiale et que sa prospérité en dépend. Le système de l’OMC est à titre d’exemple primordial pour les entreprises helvétiques et leur accès aux marchés extérieurs. L’initiative d’autodétermination menace la prospérité économique de la Suisse.  

Chaos assuré

Les attaques directes de l’UDC contre les droits humains ont soulevé une large opposition au sein de la société suisse, aussi bien du côté de la société civile que du monde politique. Dans la foulée du lancement de l’initiative «contre les juges étrangers», la société civile a ainsi lancé une campagne: «Facteur de protection D – Les droits humains nous protègent», qui regroupe une centaine d’organisations en plus de humanrights.ch. Sur le plan politique, l’ensemble des partis traditionnels, exception faite de l’UDC, ont émis une prise de position commune sans appel sur leur attachement à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Cour de Strasbourg et contre l’initiative.