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Assistance au suicide: la Grande Chambre revient sur l'arrêt Gross pour déclarer la requête irrecevable

15.10.2014

Dans un arrêt de chambre du 14 mai 2013, la Cour avait conclu par 4 voix contre 3 à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle avait estimé en particulier que le droit suisse ne définissait pas avec suffisamment de clarté les conditions dans lesquelles le suicide assisté était autorisé. Dans cette affaire, Madame Gross, une dame âgée souhaitant mettre fin à ses jours et ne souffrant d’aucune pathologie clinique se plaignait de n’avoir pu obtenir des autorités suisses l’autorisation de se procurer une dose létale de médicament afin de se suicider. Parallèlement, la Cour ne se prononça pas sur la question de savoir si la requérante aurait dû être autorisée à obtenir une dose mortelle de médicament pour mettre fin à ses jours.

L’affaire a été ultérieurement renvoyée devant la Grande Chambre à la demande du gouvernement suisse (voir art. 73 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’homme). A cette occasion, le gouvernement suisse a appris le décès de la requérante en novembre 2011 et a transmis l’information à la CrEDH. La Grande chambre dans son arrêt du 30 septembre 2014 a ainsi déclaré la requête de Madame Gross irrecevable. La Cour est en effet parvenue à la conclusion que la requérante avait entendu l’induire en erreur. En particulier, l’intéressée avait pris des précautions spécifiques pour éviter que la nouvelle de son décès ne fût révélée. Partant, la Cour a estimé que le comportement de la requérante s’analyse en un abus du droit de recours individuel (article 35 § 3 a) CEDH). En conséquence, les conclusions de la chambre dans l’arrêt du 14 mai 2013 perdent toute validité juridique.

Résumé de l'Office fédéral de la justice:

«Invoquant l’art. 8 CEDH, la requérante, née en 1931, se plaignait de n’avoir pu obtenir des autorités suisses l’autorisation de se procurer une dose mortelle de natrium-pentobarbital (NaP). La Cour a observé que la législation suisse, tout en permettant d’obtenir une dose mortelle de NaP sur ordonnance médicale, ne fournit pas des directives suffisantes pour définir avec clarté l’ampleur de ce droit. Les directives existantes, régulièrement invoquées par le Tribunal fédéral, ne règlent que l'assistance au suicide de patients atteints d'une maladie mortelle, elles ne s’appliquent pas au cas de personnes ne souffrant pas d'une telle maladie – comme la requérante – qui veulent mettre fin à leurs jours. La Cour a considéré que l'absence de directives claires posées par la loi était susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les médecins, qui pourraient sinon être enclins à fournir à une personne dans la situation de la requérante l’ordonnance demandée. Selon la Cour, cette incertitude dut causer à la requérante un angoisse considérable. Sans se prononcer sur la question de savoir si la requérante aurait dû se voir accorder la possibilité d’obtenir une dose mortelle de NaP, la Cour a constaté une violation de l’art. 8 CEDH (4 contre 3 voix).»