12.10.2021
Communication No 95/2019, Décision du 22 septembre 2021
Le Comité des droits de l’enfant (CDE) constate que la Suisse est responsable de dix violations de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU. L’affaire concerne le renvoi d’un mineur requérant d’asile apatride en application des accords de réadmission Suisse – Bulgarie. Palestinien de Syrie, l’enfant alors âgé de 11 ans avait obtenu une protection subsidiaire en Bulgarie où il a séjourné sans bénéficier d’aucune mesure d’intégration (absence de scolarité et de soins médicaux, attaques verbales et physiques à caractère raciste) pendant près d’une année avant d’arriver en Suisse où résident des membres de sa famille élargie. Le Secrétariat aux Migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) se sont reposés sur la présomption de sécurité juridique en Bulgarie pour conclure que son renvoi vers ce pays était licite et exigible.
Portant l’affaire devant le CDE avec l’assistance du Centre suisse pour la défense des droits de migrants (CSDM) et d’autres tierces parties, le requérant a notamment allégué que son expulsion était contraire à son intérêt supérieur en tant qu'enfant (art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU (CIDE) et l'exposerait à des conditions d'accueil inhumaines et dégradantes (art. 37). De plus, un tel renvoi le couperait du soutien psychosocial essentiel de sa famille élargie en Suisse en violation de son droit au respect de la vie familiale (art. 16) et le priverait des soins spécialisés pour les victimes de traumatismes dont il bénéficiait, en violation de son droit à la réadaptation (art. 39).
Dans sa décision, le CDE confirme ces allégations. Il conclut à une violation de l’article 37 en reprochant aux instances suisses de ne pas avoir effectué une «évaluation personnalisée du risque que l’enfant de l’auteure de la requête courrait en Bulgarie, en vérifiant notamment, quelles seraient en réalité, les conditions de réception pour lui et sa mère» (par. 10.7). Il conclut à une violation du droit à la réadaptation, ici d’un enfant lourdement traumatisé par la guerre en Syrie (art. 39), ainsi qu’à une violation du respect de sa vie privée et familiale (art. 16). Le CDE précise que la notion de «famille» sous l’angle de la CIDE est large et «recouvre toute la série de structures permettant d’assurer la prise en charge, l’éducation et le développement des jeunes enfants, dont la famille nucléaire, la famille élargie et d’autres systèmes traditionnels ou modernes fondés sur la communauté» (par. 10.12).
Le Comité exige que la Suisse prenne une série de mesures pour appliquer cette décision, y compris de «réexaminer urgemment la demande d’asile de l’auteure et de M.K.A.H. en s’assurant que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale» (par. 12).