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Police - Dossier

Qu’est-ce que la police?

27.10.2023

 

L’État est détenteur du monopole de la violence légitime et dispose ainsi d’un droit de recourir à la violence physique pour imposer le droit et l’ordre sur son territoire et sur les personnes physiques et morales qui s’y trouvent. La police représente ainsi l’institution chargée de maintenir l’ordre politique par la contrainte: elle peut avoir recours à des moyens coercitifs pour arrêter une personne en utilisant la force. La capacité à maintenir la police de façon continue, même en cas de soulèvement violent, représente l’une des conditions de l’existence de l’État. L’ordre politique que la police est chargée de maintenir est par ailleurs l’expression de rapports de domination, et doit bénéficier de l’obéissance de ses agent·e·x·s et des citoyen·ne·x·s. Dans son action, la police est sans arrêt confrontée aux droits humains, qu’elle protège mais risque aussi de violer: droits à la vie, à l’intégrité physique et mentale, au respect de la vie privée et familiale, à la sphère privée, d’expression et de manifestation ainsi que le droit de circuler librement sont notamment concernés.

Bref historique

La police est une institution relativement jeune: s’il existait des fonctions de surveillance de l’espace public avant déjà, la plupart des polices institutionnalisées sont nées dans le courant du 19e siècle. L’invention des polices ne repose pas uniquement sur l’existence de la délinquance ou du crime; ces phénomènes étaient appréhendés différemment depuis des siècles, tant à la ville ou à la campagne, par les voies du règlement privé. Les polices étaient le plus souvent confiées aux autorités en charge de l’administration des villes ou des bourgs qui avait l’emprise sur ses fonctions, ce qui leur permettait de façonner l’ordre public selon leurs conceptions, notamment le souci de connaître et de contrôler toute personne étrangère à la ville. Le contrôle de l’errance et du vagabondage ainsi que la répression et l’élucidation des crimes et des délits répondent à la volonté de la population ainsi que des autorités. Au cours du 18e siècle, la police engrange une somme de savoirs sur la ville qui s’incarnent qui donnent naissance au droit administratif et de la police administrative. Au 19e siècle apparaissent les institutions aux compétences centrées autour du crime. La notion juridique de «délinquance» est créée pour que les pouvoirs publics mesurent le phénomène. Les révoltes fréquentes des populations urbaines dues à l’industrialisation ont également contribué à la genèse de la police, les institutions paroissiales ne parvenant plus à gérer les personnes vagabondes et sans-abris. Le développement des polices s’est aussi inscrit en dehors du seul espace national, un certain nombre de pratiques et de conceptions s’étant développées dans le contexte du maintien de l’ordre colonial.

Les droits humains face à la police

Si la politique sécuritaire devient de plus en plus prégnante en Suisse et en Europe plus largement, le fonctionnement de l’institution de la police est aujourd’hui pointé du doigt pour plusieurs raisons. Société civile, professionnel·le·x·s et associations critiquent tant la répression policière qui revêt un aspect toujours plus préventif que l’usage disproportionné de la force, mais aussi les pratiques discriminatoires et l’absence de mécanismes d’enquête indépendants.

Usage excessif de la force

La police utilise un large éventail de techniques lors des contrôles et des arrestations, en détention ou dans le cadre des renvois forcés (plaquage ventral, transport de personnes avec les mains menottées dans le dos, tasers, gaz lacrymogène, ceintures et chaises d’immobilisation). Ces mesures de contrainte peuvent mettre en grave danger les personnes qui en font l’objet, allant parfois jusqu’à provoquer la mort. Certaines pratiques telles que les fouilles corporelles dans l’espace public et l’emploi de ceintures et chaises d’immobilisation dans le cadre de renvois forcés constituent des mauvais traitements ou des traitements inhumains ou dégradants.

Délit de faciès

Le racisme systémique s’exerce au sein de la police comme dans toute institution, les interventions policières violentes ciblant en particulier les personnes noires et racisées, les personnes au statut de séjour précaire, les Yéniches, les Roms et Sintés, les personnes trans, queer et non binaires ainsi que les travailleur·euse·x·s du sexe de tous les genres. La pratique du délit de faciès, c’est-à-dire les formes de contrôles discriminatoires à l’encontre de groupe de personnes qui sont ressenties par la police comme ethniquement ou religieusement «différentes» par l’institution n’est plus à prouver, les stéréotypes racistes étant constamment alimentés de manière informelle. L’identification des agent·e·x·s de police lors de ces contrôles problématiques n’est pas toujours possible, certain·e·x·s refusant de révéler leur identité professionnelle (nom ou numéro de matricule, affiliation à un service de police). La loi sur les profils ADN qui permet à la police d’élargir les recherches ADN pour déterminer l’apparence extérieure et l'«origine biogéographique» pose par ailleurs la question de la discrimination des minorités.

Détention arbitraire

Des mises en détention peuvent avoir lieu suite à un contrôle d’identité, lorsque la personne contrôlée questionne l’identité des agent·e·x·s, les motifs du contrôle ou émet des critiques quant à la façon dont celui-ci s’est déroulé, sans pour autant qu’il y ait des indices objectifs d’une infraction.

Mécanismes d’enquête indépendants

Les victimes de violences policières ne peuvent pas compter sur des enquêtes efficaces, impartiales et indépendantes: les personnes alléguant des violations des droits humains par des agent·e·x·s de police doivent s’adresser à la police pour porter plainte, et l’enquête pénale est également menée par la police ou le Ministère public. Une contre-plainte pour opposition aux actes de l'autorité́, violence ou menace contre des fonctionnaires peut par ailleurs être déposée par la police, et la longue procédure peut ne pas déboucher sur un jugement pour cause de prescription.

Surveillance

Si elles correspondent à un intérêt public, l’élucidation des infractions pénales passées et la prévention de crimes et délits futurs au moyen de mesures de vérification d’identité sont problématiques: la saisie, la conservation et le traitement de données servant à définir l’identité portent atteinte au droit à une sphère privée personnelle

Privatisation de la sécurité

La délégation de tâches policières à des entreprises de sécurité privées et à l’armée, notamment en matière de transport de personnes détenues, de police ferroviaire, est problématique en termes de droits humains. La formation des employé·e·x·s de ces entreprises est plus que lacunaire, ce qui a pour effet de multiplier les violations des droits humains.

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