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Les femmes, la paix et la sécurité: l’engagement de la Suisse dans le cadre de la Résolution 1325 de l’ONU

12.04.2019

Presque 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies «les femmes, actrices de la paix et de la sécurité», ses exigences restent en grande partie non remplies. Dans son 4ème plan d’action pour la période 2018-2022, la Suisse indique comment elle entend contribuer à la mise en oeuvre de la résolution. 

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a unanimement adopté le 31 octobre 2000 une résolution internationale contraignante, à savoir la résolution 1325, en reconnaissant pour la première fois que les femmes vivent une réalité très différente de celle des hommes et ce en contexte de guerre comme de paix. La résolution exige donc qu’il y ait une participation égale des femmes ainsi qu’une intégration d’une perspective de genres dans tous les processus de paix et politiques de sécurité. L’objectif de cette résolution vise également une meilleure protection des femmes et des jeunes filles durant et après les conflits armés ainsi que la prévention des violences sexuelles.  

Renforcer la présence féminine dans les processus de paix 

Selon un rapport du Secrétaire général de l’ONU, dix ans après l’adoption de la résolution 1325 seuls 8% des négociateurs dans les zones de conflit sont des femmes. Aussi, dans son rapport publié en 2017, l’ONU affirme que très peu de postes de haut rang en tant que négociateurs sont occupés par des femmes. Un constat regrettable, d’autant plus que selon l’état des lieux de décembre 2018, 79 États ont publié des plans d’actions nationaux pour mettre en œuvre la résolution 1325.

Dans son 4ème plan d’action national, la Suisse a défini les mesures planifiées pour la période 2018-2022 afin d’assurer la participation égale des femmes lors de négociations de paix. Elle prévoit notamment l’encouragement ciblé des femmes membres d’équipes de négociation ainsi que des médiatrices suisses dans les situations de conflit, mais aussi la promotion des femmes dans l’armée, la police, la justice militaire, la politique de sécurité et les opérations suisses de promotion de la paix. A cette fin, les structures stéréotypées de pouvoir doivent être démantelées et les femmes spécifiquement promues. En outre, les cours préparatoires pour les missions étrangères civiles et militaires devraient initier les participant-e-s aux exigences de la résolution 1325 et les sensibiliser à ce sujet.

La Suisse réaffirme également son engagement en faveur de la sécurité économique des femmes, leur participation à la prévention de l’extrémisme violent ainsi que la protection des femmes défenseures des droits humains. Par exemple, la perspective de genre devrait être systématiquement prise en compte dans la prévention des violations graves des droits humains.

Prévention et protection contre les violences sexistes 

Un deuxième volet du plan d’action national est consacré à la violence sexuelle et aux violences basées sur le genre lors de conflits. La Suisse confirme le besoin de mesures préventives visant à prévenir l’exploitation et les abus commis par le personnel déployé dans les missions de paix et les opérations humanitaires. Elle promet également d’assurer l’efficacité des poursuites pénales et de porter une attention particulière à la nécessité de protéger les victimes et les témoins dans le cadre de ces procédures. Travailler avec les agresseurs/euses devrait aussi aider à briser les spirales de la violence. Intégrer les hommes en particulier, devenus auteurs de violences, dans tous les processus est tout aussi important que la protection des hommes et des garçons qui sont eux-mêmes victimes de violences sexuelles.

Un autre aspect important concerne les femmes réfugiées en Suisse. L’une des mesure annoncées dans le plan d’action national est: «Établir un rapport sur les besoins des femmes et des filles requérantes d’asile en matière de suivi et d’hébergement, y compris en ce qui concerne les violences sexuelles et basées sur le genre.»

En route vers plus de cohérence

En 2007, le Conseil fédéral a adopté son premier plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325, faisant ainsi de la Suisse l’un des premiers États membres de l’ONU à s’engager pour la protection des femmes et des filles dans les situations de conflits et post-conflits. Deux autres plans d’action prenants en compte l’expérience acquise et les nouveaux développements ont été mis sur pied en 2010 et 2013. Les auteur-e-s du rapport sur la mise en œuvre du 3ème plan d’action recommandent, entre autres, qu’à l’avenir les besoins spécifiques au genre des réfugié-e-s en Suisse soient également pris en comptes et que des liens ciblés soient établis avec d’autres accords, initiatives et stratégies nationaux et internationaux.

En ce sens, le plan d'action actuel inclut pour la première fois explicitement les recommandations du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) faites à la Suisse en 2016. Celles-ci demandent à la Suisse d’impliquer plus fortement les femmes dans la résolution des conflits et la médiation, mais aussi d’inclure une perspective genre claire dans la prévention de l’extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme. Le commerce illicite des armes légères devrait être suivi et contrôlé.

L'Agenda 2030 pour le développement durable, adopté en 2015, est lui aussi évoqué. Pour ce qui est de la politique intérieure, des liens ont été établis avec l'objectif de l'égalité des genres qui est consolidé à la fois dans le Message sur la coopération internationale la Suisse 2017 – 2010 et dans la Stratégie du DFAE pour l'égalité des genres et la réalisation des droits des femmes. Il fait également écho à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte de la violence à l'égard des femmes et de la violence domestique (Convention d'Istanbul).

Ces connexions entre les différentes initiatives et obligations répondent enfin à la demande de la société civile et marque un premier pas vers une plus grande cohérence dans la politique extérieure de la Suisse, notamment entre la politique extérieure helvétique et sa politique intérieure. En 2017, les stratégies contradictoires des autorités ont été exemplifiées dans une étude menée par le groupe de travail sur la politique extérieure de la Plateforme suisse des ONG pour les droits humains. Ces incohérences ont particulièrement été relevées dans les domaines touchant au thème femmes et sécurité. L’étude critique notamment le fait que chaque département intègre la promotion des droits des femmes de manière très différente dans sa stratégie et que, dans certains domaines, comme la politique économique extérieure, une analyse basée sur le genre fait presque totalement défaut. Ces pratiques incohérentes remettent également en question la crédibilité de la politique extérieure de la Suisse: tout en revendiquant des mesures globales en faveur de l'égalité des genres à l'étranger, la Suisse poursuit une politique fragmentée sur propre son territoire.

Rôle clé de la société civile

Cette évolution vers une plus grande cohérence est due au moins en partie à l'engagement des organisations de la société civile. Par exemple, la société civile, y compris humanrights.ch, a participé activement aux consultations sur le plan d'action national en cours et un groupe de travail composé de diverses organisations non gouvernementales a élaboré un rapport alternatif de la société civile intitulé «1325 reloaded», dont certaines recommandations ont été intégrées dans le plan d'action. Les auteur-e-s ont également réclamé qu’un lien soit fait avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ainsi qu’avec la politique intérieure, par exemple dans le domaine de la migration ou dans l’utilisation de stéréotypes de genre dans la rhétorique militaire.

Le rôle de plus en plus important de la société civile se reflète également dans un autre développement, car pour la première fois, le plan d'action national prévoit que la société civile suisse jouera un rôle actif dans sa mise en œuvre et l'accompagnera de manière critique. Un projet de quatre ans est prévu dans le cadre duquel un groupe de travail composé d'une quinzaine d'organisations non gouvernementales examinera les questions de la participation des femmes à la prévention des conflits et aux processus de paix ainsi que les avantages des approches féministes.

Commentaire

Le Plan d'action national 1325 contient des mesures concrètes et prometteuses pour protéger les femmes dans les situations de conflit, mais surtout pour les promouvoir en tant qu'actrices des processus de paix. Les efforts visant à créer une plus grande cohérence entre les divers instruments de politique étrangère et entre la politique étrangère et la politique intérieure doivent également être salués. Cependant, il est important de traduire les paroles en actes. Rappelons à titre d’exemple qu’une étude sur l'hébergement des femmes demandeuses d'asile en Suisse s'impose d'urgence et que la lutte contre les stéréotypes sexistes et la sous-représentation des femmes dans l'armée, la police et la politique de sécurité qui y est associée est loin d'être acquise.

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