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La Suisse s'engage concrètement pour un défenseur des droits humains saoudien

17.06.2015

Raif Badawi est un blogueur et défenseur des droits humains en Arabie saoudite. Il a été condamné en 2014 à 10 ans de prison, 1000 coups de fouet et une amende d'un million de rials saoudiens (plus de 270'000 francs suisses) pour avoir créé un forum en ligne destiné au débat public et «insulté l'islam» à travers un moyen de communication électronique.

Le 9 janvier 2015, la première série des coups de bâton qui compose sa peine a soulevé un tollé international. La Suisse, une fois n’est pas coutume, a fait entendre officiellement sa voix par le biais d’un communiqué de presse du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Amnesty international a également lancé une grande campagne afin de faire pression sur l’Arabie saoudite par le biais des réseaux sociaux. Les enjeux sont multiples: respect de la Convention contre la torture, respect de la liberté d’expression et protection des défenseurs et défenseuses des droits humains (DDH). 

Malgré la mobilisation internationale autour de Raif Badawi, la Cour suprême d’Arabie saoudite a décidé début juin 2015 de confirmer la condamnation du blogueur à dix ans de prison et mille flagellations, suscitant une nouvelle vage d'indignation. «En n’annulant pas sa condamnation, les autorités ont aujourd’hui fait preuve d’un mépris total pour la justice et pour les dizaines de milliers de voix dans le monde qui demandent sa libération immédiate et sans condition, martèle Amnesty International. La décision de la Cour suprême entache encore davantage le bilan déjà peu réjouissant de l’Arabie saoudite en matière de droits humains.»

Tollé international

Dès janvier 2015, le sort du blogueur saoudien a soulevé beaucoup d’indignation. Jeudi 8 janvier, le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, avait exhorté le roi Abdallah d'Arabie saoudite à gracier le blogueur, soulignant que la flagellation «est interdite par la législation internationale». Cette peine a également été jugée «inacceptable» par l'Union européenne. Les Etats-Unis ont évoqué une «punition inhumaine» et appelé les autorités à l'annuler. La France, grand partenaire commercial de l’Arabie saoudite, s’est prononcée de façon beaucoup moins directe. Depuis, le roi Abdallah est décédé et remplacé par le roi Salmane. Rien n'a pourtant changé pour Raif Badawi, qui a vu au contraire sa peine confirmée.

Geste suisse à saluer

Dans ce contexte, la Suisse a eu un geste rare qui mérite d’être salué. Dans un communiqué publié par le DFAE le 15 janvier 2015, elle a «fermement» condamné la peine décidée pour le défenseur des droits humains saoudien. Elle a explicitement demandé «aux autorités saoudiennes de ne pas poursuivre l’exécution de la sanction et de tenir leurs engagements par rapport à l’interdiction de la torture et autres châtiments et traitements cruels, inhumains ou dégradants» et de réexaminer le cas de Raif Badawi. 

Cet accent de fermeté helvétique est d’autant plus remarquable que nombre d’États n’osent pas critiquer ouvertement l’Arabie saoudite du point de vue de la Convention contre la torture, alors même que les châtiments corporels sont inscrits dans les lois de ce pays.

Politique cohérente pour les DDH

Ce geste marque par ailleurs une approche plus cohérente de la Suisse sur la question des DDH. En effet, la Confédération est depuis quelques années particulièrement active sur le plan international pour la protection des DDH. Cela s’est encore renforcé dans le cadre de sa présidence de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en 2014. Il lui a été cependant souvent reproché d’être totalement invisible dans ce domaine sur place, dans des États où pourtant la situation des droits humains est notoirement désastreuse, tels que l’Arabie saoudite. Ce geste montre que le Confédération peut aussi agir sur ce terrain-là.

Pour l’instant, la peine du jeune saoudien a été suspendue, mais pas annulée. Les séances de coups de fouet devraient donc reprendre pour les 18 prochains vendredis. Afin d’éviter cela, Amnesty continue sa campagne de soutien en ligne.

Sources