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X. contre la Suisse

21.04.2022

Communication N° 900/2018, décision du 22 juillet 2021

Dans un jugement du 22 juillet 2021, le Comité des Nations Unies contre la torture (Committee Against Torture, CAT) a conclu que la Suisse avait violé la Convention des Nations Unies contre la torture en renvoyant un jeune homme dans son pays d'origine, l'Érythrée. Le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) doivent maintenant reconsidérer leur pratique.

En Érythrée, les hommes comme les femmes doivent effectuer un service militaire, en principe à durée indéterminée. Les personnes qui s'y soustraient en prenant la fuite risquent de longues peines de prison et des mauvais traitements physiques. L'enrôlement dans le service militaire se fait généralement par le biais du système scolaire, mais il peut aussi être imposé lors de descentes de police. Le requérant a fait valoir auprès des autorités suisses qu'il avait abandonné l'école et qu'il avait ensuite assisté à deux de ces raids de police. Il a finalement fui l'Érythrée par crainte d'être recruté.

Dans ce genre de situation, les autorités suisses partent régulièrement du principe que les personnes concernées ne courent aucun risque sérieux de persécution. À tort, comme l'a constaté le CAT: bien que le requérant n'ait pas encore eu de contact direct avec les autorités militaires érythréennes, le Comité estime que le risque de torture future est plausible. Dans son jugement, malgré le peu d’informations fournies par l'Érythrée, le Comité explique qu’il faut s'attendre à des sanctions draconiennes en cas de départ illégal pour refus de servir. Ces peines doivent être qualifiées de torture au sens de la Convention des Nations Unies contre la torture, ce qui justifie une interdiction de refoulement vers l'Érythrée.

Sur la base de ces explications, la Suisse, en rejetant la demande d'asile de l'homme érythréen et en ordonnant son renvoi, a violé le principe de non-refoulement. Il en va de même pour d'autres Érythréen·ne·s que la Suisse a renvoyé·e·s malgré la menace de torture.

Le CAT s'est en outre montré critique à l'égard de l'examen du caractère vraisemblable de la demande - un aspect important de la procédure d'asile en Suisse, dans le cadre de laquelle l'analyse des procès-verbaux d'entretiens permet de déterminer si les motifs d'asile avancés semblent fondés sur l'expérience. Le Comité n'a pas accordé la même importance à plusieurs éléments qui, du point de vue des autorités suisses, plaident contre le caractère vraisemblable de la demande d’asile. Il a plutôt constaté qu'il existait des «motifs sérieux» qui plaident en faveur d'une menace de torture. La Suisse doit impérativement aussi tenir compte de ces appréciations dans les cas futurs.