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Le Conseil de l’Europe prie les Etats de mieux appliquer les arrêts de Strasbourg

12.11.2013

Une situation qui «sape l’efficacité du système de la Convention et empêche la Cour de se concentrer sur des questions nouvelles et importantes.» Jamais le Conseil de l’Europe n’avait parlé aussi franchement de la surcharge de travail de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH).

Dans une résolution adoptée le 20 janvier 2013, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé les pays membres à mieux mettre en œuvre les arrêts de la CrEDH. Ce qui permettrait de réduire considérablement le nombre d’affaires pendantes. La résolution cite en particulier neuf États confrontés à de graves problèmes structurels, qui causent des retards dans l’exécution des jugements.

Les «affaires clones»

Environ 65’000 nouvelles plaintes sont déposées chaque année à la CrEDH et la tendance ne va pas en diminuant. La majeure partie des requêtes ne peuvent être imputées à un dysfonctionnement propre à un cas particulier, mais correspondent à des insuffisances structurelles du droit en vigueur dans le pays. Les requêtes reposant sur un même type de problèmes sont récurrentes.

Pour mieux gérer ces affaires similaires, ou «affaires clones», la Cour européenne des droits de l’homme a introduit une nouvelle procédure dite de l’arrêt pilote. Lorsque plusieurs affaires pendantes se ressemblent, la Cour en examine une pouvant servir d’exemple et adopte un arrêt pilote qui pourra ensuite être appliqué aux autres requêtes similaires. Elle prescrit, en outre, dans cet arrêt pilote, des mesures censées empêcher que de nouvelles affaires «clones» ne surviennent dans l’Etat en question. Un arrêt pilote sur le Royaume-Uni (Hirst no 2 c. Royaume-Uni) a notamment beaucoup fait parler de lui. Londres avait à l’époque décidé de rejeter officiellement la recommandation qui avait été formulée dans ce jugement: promulguer une loi introduisant le droit de vote pour les personnes détenues.

Résistance passive dans l’application des arrêts de la CrEDH

Cette résolution de l’Assemblée parlementaire repose sur un rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Selon cette étude, il est rare qu’un Etat refuse officiellement d’exécuter un arrêt, comme l’a fait le Royaume Uni avec l’arrêt Hirst. Le plus souvent, les pays ne réagissent tout simplement pas aux recommandations, ne prennent pas les mesures conseillées par la CrEDH et se font donc condamner à nouveau pour les mêmes dysfonctionnements. Parmi ces Etats peu enclins à agir, on trouve en haut du classement l’Italie et la Russie dont les systèmes judiciaires sont en permanence défaillants. La Bulgarie, la Grèce, la Moldavie, la Pologne, la Roumanie, la Turquie et l’Ukraine figurent aussi au palmarès.

Le rapport recense aussi les problèmes structurels principaux, qui persistent et pèsent sur la charge de travail de la CrEDH: la durée excessive des procédures judiciaires (problème endémique notamment en Italie), la non-exécution chronique des décisions judiciaires internes (phénomène répandu, en particulier en Russie et en Ukraine), les décès et les mauvais traitements par des fonctionnaires des forces de l’ordre et l’absence d’enquêtes effectives à cet égard (particulièrement en Russie et en Moldavie) et la détention illégale ou la durée excessive de la détention provisoire (notamment en Moldova, en Pologne, en Russie et en Ukraine).

Les parlements nationaux invités à agir

La résolution invite les parlements de ces 9 Etats membres à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils mettent mieux en œuvre les arrêts de la CrEDH. Ces Etats devraient, par ailleurs, instaurer un organisme national indépendant chargé de vérifier que les autorités judiciaires et policières respectent bien la jurisprudence de Strasbourg.

Quant aux parlements qui n’exerceraient pas un contrôle de l’application des arrêts, la Commission des questions juridiques propose de les sanctionner. L’Assemblée parlementaire devrait, selon elle, envisager de suspendre les droits de vote aux délégations de ces pays. Une proposition restée pour l’instant lettre morte.

Sources