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Economie et droits humains: l’ONU avance dans l’élaboration d’un traité international

28.06.2021

En 2014, à l'initiative de l'Équateur et de l'Afrique du Sud, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a créé un groupe de travail en vue de l’élaboration d’un traité contraignant sur les sociétés transnationales et les droits humains. Une large coalition internationale d'ONG s’implique depuis activement en ce sens.

Depuis l'été 2015, le Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l'homme (GTIG) a tenu plusieurs sessions. L’articulation entre le nouvel accord et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux sociétés transnationales et aux droits humains (PDNU) constitue un point de friction majeur. Nombre d’Etats occidentaux hésitent à soutenir l’accord au motif que les mesures reposant sur le principe du volontariat sont suffisantes. Parallèlement, la société civile mène une campagne résolue en faveur d'un accord juridiquement contraignant avec, du côté helvétique, l’engagement du groupe de travail «Entreprises et droits de l’Homme» de la plateforme des ONG sous la direction de FIAN Suisse. L'ensemble du processus est documenté en détail et accompagné de déclarations et de rapports sur le site web de FIAN Suisse.

Contexte et objectif

La discussion autour de l’économie et des droits humains reçoit une attention particulière depuis plusieurs années. Le point de départ de ces discussions? La violation fréquente des normes relatives aux droits humains par les sociétés transnationales. En réponse, diverses initiatives ont été lancées au sein de l'ONU, dont les PDNU, unanimement salués après leur rédaction par le rapporteur spécial John Ruggie. Dans le même temps, de nombreuses organisations de la société civile se sont emparées de la question dans le but d'engager plus fermement les entreprises commerciales à respecter les normes en matière de droits humains. En effet, sur le plan juridique, persiste un obstacle majeur: les normes et règles en matière de droits humains applicables aux entreprises - à l'exception des conventions de l'OIT - relèvent encore du «droit mou» (soft law), ce qui signifie que ces règles ne sont ni contraignantes ni exécutoires.

C’est justement pour combler cette lacune que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté, le 26 juin 2014, la résolution 26/9 mandatant un groupe de travail intergouvernemental chargé d' «élaborer un traité international contraignant sur les sociétés transnationales pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises». La résolution a été adoptée avec un résultat peu convaincant, avec 20 voix pour, 14 contre et 13 absentions. Des Etats comme le Venezuela, la Russie, l’Inde ou encore Cuba se sont prononcés en faveur de la résolution. Les pays de l'UE ainsi que les Etats où la plupart et les plus importantes entreprises transnationales ont leur siège, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France ou encore le Japon, ont voté en bloc contre la résolution. La Suisse n'était pas membre du Conseil des droits de l'homme à l'époque et n'avait donc aucun droit de vote.

Première session: divergences d’opinion (2015)

Accueilli avec enthousiasme par certain·e·s et avec méfiance par d’autres, le GTIG a commencé ses travaux le 6 juillet 2015. La première session a mis en lumière les difficultés auxquelles le groupe de travail allait être confrontées. A l’évidence, un accord consensuel était encore loin d’être atteint. Les pays qui ont voté contre la résolution ont étayé leur position sur la base de l'argumentation suivante: avant d'élaborer une convention internationale, les PDNU devraient être mis en œuvre de manière cohérente. Ils estiment l’engagement des Etats nécessaire pour réaliser une percée pour la mise en œuvre de ces principes. A ce stade, inscrire au cœur de l’agenda onusien la rédaction d’un nouveau traité contraignant, comporte le double risque d’entraver la mise en œuvre des PDNU et de ralentir le processus de négociation.

Une deuxième critique adressée par les opposant·e·s a trait à l’interprétation du champ d’application du traité envisagé, à savoir sa limitation aux entreprises à caractère transnational. La résolution 26/9 cible en effet ces entités, à savoir les sociétés transnationales et les «autres entreprises», notion qui s'applique à «toutes les entreprises dont les activités opérationnelles ont un caractère transnational et ne s’appliquent pas aux entreprises locales enregistrées aux termes de la législation interne pertinente». Si ces entités sont responsables de nombreuses violations des normes relatives aux droits humains, les entreprises qui n'opèrent qu'au niveau national ont souvent un impact tout autant néfaste sur la jouissance des droits humains, et sont par ailleurs beaucoup moins soumises à la surveillance internationale. De plus, le scepticisme de certaines parties prenantes (en particulier l’UE) est lié à la possible concurrence de marché posée par des entreprises locales en conséquence d’un champ d’application limité aux seules entreprises à caractère transnational. Par conséquent, limiter la portée aux sociétés transnationales comme le préconisent pourtant les partisan·e·s du traité, ne serait pas rationnel.

Pour leur défense, les partisan·e·s de l'accord ont insisté, lors de la première session du groupe de travail, sur la complémentarité d’un traité avec les PDNU. A la différence près qu’un accord serait juridiquement contraignant et donc beaucoup plus efficace que les PDNU. Quant au champ d’application, certain·e·s partisan·e·s estiment que celui, tel que défini dans la résolution 26/9, est approprié en raison des caractéristiques propres aux sociétés transnationales (capacité d’influence, structures économiques complexes, forum shopping) qui leur permettent d'échapper au droit. Enfin, selon certaines organisations de la société civile, la position de l’opposition relève davantage d’une manœuvre dilatoire étant donnée la difficulté pratique d’appliquer un traité à toutes les entreprises.

Deuxième session: la polarisation est surmontée (2016)

Entre la première et la deuxième session, la Présidente-Rapporteuse du groupe de travail, María Fernanda Espinosa Garcés, a organisé plus de cent réunions et a reçu plus de 70 contributions écrites. Ces vastes consultations ont servi de base au programme de travail de la deuxième session.

Avec 80 États, c’est-à-dire 20 de plus qu'à la première session, la deuxième session a été plus fréquentée, ce qui semble témoigner d'un intérêt accru de la part de la communauté internationale. Reste à noter que l’UE a été présente pendant toute la session alors que les Etats-Unis, ont à nouveau brillé par leur absence – et ne participent d’ailleurs toujours pas au processus en cours.

Le fossé entre partisan·e·s et opposant·e·s d'un futur accord était encore apparent lors des discussions. Toutefois, les déclarations, en particulier celles de l'UE, laissaient entendre que l'objectif d'un accord était accepté. Bien que l'UE ait continué à considérer clairement qu'elle était initialement intéressée uniquement par la mise en œuvre effective des PDNU, elle semblait au moins s’intéresser processus d'élaboration d'un accord et vouloir y participer.

Troisième session: un pas supplémentaire vers un accord contraignant (2017)

Après la deuxième session, la Présidente-Rapporteuse du groupe travail, María Fernanda Espinosa Garcés ainsi que son successeur Guillaume Long (Représentant permanent de l'Équateur auprès de l'ONU à Genève) ont tenu dans le monde entier plus de cent réunions et consultations avec des Etats et autres acteurs·trices impliqué·e·s. Sur cette base, la présidence équatorienne du GTIG a publié les éléments possibles d'un accord en septembre 2017. Ce document préparatoire, «Les Elements de 2017», devait servir de base pour les négociations de la troisième session.

101 délégations étatiques étaient présentes à l’occasion de la troisième session. L’appel mondial lancé à l'approche de la session par de plusieurs décideur·euse·s politiques et représentant·e·s d'organisations de la société civile peut en partie expliquer cette hausse de la participation. L'UE et ses États membres ainsi que la Suisse, la Norvège, le Japon et l'Australie y ont également participé. La société civile regroupée autour de l’«Alliance pour le traité» (Treaty Alliance) qui réunit près de 1000 organisations membres, et la «Campagne mondiale pour la souveraineté des peuples, le démantèlement du pouvoir des sociétés transnationales et la fin de leur impunité» (Campagne mondiale) composée de plus de 250 organisations, a également pris part aux discussions. Au début de la session, l'UE a ravivé le vieux différend sur le programme de travail de la première session en voulant rouvrir le débat sur la mise en œuvre des PDNU et l'inclusion des entreprises nationales. Une fois cette controverse résolue, le programme a pu se dérouler comme prévu.

L’essentiel de la session s’est tenue en onze tables rondes correspondant aux thèmes soumis pour le projet d’accord. Les éléments comprenaient des propositions d’obligations pour les Etats, des mesures pour éviter les violations des droits humains par les entreprises, l’amélioration de l’accès à la justice pour les victimes, des compétences juridictionnelles, la coopération internationale et divers mécanismes d’application. Un grand nombre d’expert·e·s d’organisations internationales provenant des milieux académique, économique ou encore de la société civile ont été invité·e·s à prendre position sur les thèmes respectifs.

Certains États et organisations de la société civile ont considéré que les éléments proposés constituaient une bonne base pour la poursuite des négociations, d'autres restaient sceptiques. Les personnes présentes ont convenu que les éléments proposés avaient besoin d’être clarifiés sur plusieurs aspects; le champ d'application du futur accord et le fondement de la responsabilité des entreprises en sont des exemples.

L'atmosphère était plus tendue lors de la phase finale lorsque la question de la poursuite du processus a été soulevée. Étonnamment, les États-Unis, qui étaient jusque-là absents des négociations, ont appelé à adopter une nouvelle résolution pour renouveler le mandat du GTIG. Un certain nombre d'États, dont le Mexique et l'Australie, ont appuyé ce vote. Toutefois, le plénum a décidé de poursuivre le processus sans renouvèlement du mandat. Le Président-Rapporteur du groupe de travail a été chargé de mener des négociations informelles sur le déroulement du processus et de développer un plan détaillé («Roadmap») pour le processus menant à un accord contraignant.

Quatrième session: difficile recherche de consensus (2018)

Comme pour la troisième session, le Président-Rapporteur du groupe de travail a mené de nombreuses réunions et consultations avec des Etats et acteurs·trices impliqué·e·s en vue de la quatrième session, d’où le projet d'accord (le « Zero Draft ») et le projet de protocole optionnel ont finalement émergé.

La participation à la quatrième session (93 Etats) a quelque peu diminué, ce qui pourrait s'expliquer en partie par la tenue simultanée l'assemblée de l'Union interparlementaire. En l’occurrence, 27 États européens (contre 32 en 2017) ont participé à ce quatrième cycle. La Suisse a également été représentée tout au long de la session par une délégation de deux à quatre personnes. La présence de la société civile était, elle, particulièrement remarquée cette fois-ci, avec plus de 50 organisations dotées du statut consultatif auprès de l'ECOSOC. Dans sa déclaration du début de session, l’UE a critiqué le fait que ses propositions, dont celle pour une nouvelle résolution au Conseil des droits de l'homme pour renouveler le mandat de négociations et continuer le processus, n'avaient pas été retenues.

Au début de la session, le Président-Rapporteur a expliqué le projet d'accord et décrit les quatre piliers sur lesquels il repose, à savoir la prévention, les droits des victimes, la coopération internationale et les mécanismes de contrôle. La relation entre le projet d'accord et les PDNU a passablement occupé les discussions. Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a souligné dès le début qu'il n'y avait pas de conflit entre les PDNU et l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant.

Les délégations se sont montrées particulièrement positives quant au fait que le projet attribue la responsabilité première du respect, de la protection et de la mise en œuvre des droits humains aux États et non aux entreprises. Cette décision a toutefois suscité des critiques, particulièrement de la part de certain·e·s représentant·e·s de la société civile, qui ont demandé à plusieurs reprises que des obligations directes soient imposées aux entreprises dans le cadre de l'accord. En outre, de nombreuses organisations ont déploré que le projet n'accorde pas suffisamment d'importance à la protection des défenseur·e·s des droits humains et d'autres groupes vulnérables. Un accent particulier a été mis sur les communautés autochtones et le principe du consentement libre, informé et préalable (CLIP).

D'une manière générale, le processus d'élaboration du traité s'est considérablement étoffé en terme de contenu au cours de la quatrième session en raison du grand nombre de prises de position. Le défi consistait désormais, à l'approche de la cinquième session prévue pour l'automne 2019, d'orchestrer un consensus sur un projet de traité révisé au contenu certes riche mais très dispersée, d'autant plus qu'un grand nombre d'États, principalement des États occidentaux, n'ont pas explicitement exprimé leur soutien à l'accord.

Cinquième session: une atmosphère plus détendue axée sur le contenu (2019)

La Présidence du GTIG a publié en amont de la cinquième session, un nouveau projet de traité, le Projet révisé («Revised Draft »). La cinquième session, tenue du 14 au 18 octobre 2019, a réuni plus de 90 États. Par rapport à 2018, 21 nouveaux Etats ont rejoint le processus, alors que 24 autres Etats n'y ont plus participé. Du côté des Etats membres de l’Union européenne, la participation est restée stable, avec 27 États. La Suisse était présente tout au long de la session avec une délégation d'une à trois personnes. Parmi les organisations intergouvernementales, l'UE ainsi que diverses institutions des Nations Unies étaient au rendez-vous. La représentation de la société civile est restée au même niveau que l'année précédente.

En général, la session a, encore une fois, abordé la question de la compatibilité du projet d'accord avec les PDNU alors que de nombreuses demandes de formulations plus précises et de mesures concrètes avaient été adressées, y compris par la société civile. Malheureusement, il n'y a pas eu de négociations immédiates sur le projet de texte, même si la fin de la session laissait entrevoir un développement substantiel du projet en raison des nombreux commentaires des États, de la société civile et des expert·e·s. Il était néanmoins ardu d'évaluer ce qui pouvait être réalisé en termes de contenu. Cependant, l’extension du champ d’application à toutes les entreprises représenterait une concession significative en faveur des Etats industrialisés et permettrait une acceptation et une participation plus larges aux négociations. En ce sens, des efforts visant à aligner le traité sur les PDNU pourraient s’avérer utiles.

Cette session s’est aussi illustrée par une quasi-absence de tensions majeures, et donc par un accent mis sur le contenu du futur traité. Fait inédit, le changement étonnant d’attitude de l'UE a suscité un regain d'optimisme: après avoir initialement annoncé qu'elle prendrait à nouveau ses distances avec les recommandations et conclusions finales, elle les a finalement acceptées le dernier jour. Autre point positif: L’Egypte, Cuba et l’Azerbaïdjan ont fermement défendu tant l’inclusion que la pleine participation de la société civile dans le processus.

En définitif, la cinquième session augurait un développement ultérieur constructif et inédit au regard des précédentes rencontres. L'entrée prévisible de l'UE dans les négociations inciterait davantage les États du Nord à participer activement, d’autant qu’il deviendrait plus difficile pour des Etats tels que le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon, de rester à l'écart du processus.

Sixième session: les négociations tournent en rond (2020)

En amont de la sixième session, du 26 au 30 octobre 2020, la présidence du GTIG a publié une modification du projet de traité, le Second projet révisé («Second Revised Draft»). La sixième session s'est déroulée sous une forme hybride difficile en raison de la pandémie: tant sur le terrain à Genève que sous forme virtuelle, via l’application de visioconférence Webex et l’envoi de messages vidéo. En raison des règles de quarantaine, aucune délégation de la société civile de l'étranger n'a pu entrer dans le pays; la participation sur place était limitée aux ONG basées en Suisse. Ainsi, seule une petite partie des délégations des États et quelques organisations de la société civile étaient présentes dans l’enceinte onusienne.

Selon le rapport officiel de l’institution multilatérale, seuls 66 États et deux États bénéficiant du statut d'observateur (la Palestine et le Vatican) ont participé à la session. Du côté européen, la participation est passée de 28 à 21 Etats, probablement en raison de la pandémie. La Suisse a été présente sur place pendant deux jours et a suivi les négociations en ligne le reste de la semaine. Par rapport à 2019, 11 États ont été nouvellement représentés mais 34 Etats n’ont plus participé au processus. Parmi les organisations intergouvernementales, le Conseil des droits de l’homme a pu compter sur la présence de l'UE; mais aussi celle de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (INDH), et des INDH d'Allemagne, de Finlande, de France et du Maroc. La société civile a encore prouvé sa capacité de mobilisation avec environ 80 organisations dotées du statut consultatif auprès de l'ECOSOC.

À la fin de la cinquième session, le Brésil et la Russie avaient appelé à des «négociations de fond directes menées par les États» sur le texte de l'accord, ce qui a été inclus dans les recommandations du président pour la sixième session. Le programme de travail mentionne aussi explicitement, et pour la première fois, les «négociations» sur les différents articles. Néanmoins, la présidente du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (OHCHR), Michelle Bachelet, n'a pas entamé de véritables négociations sur le texte lors de cette session, mais a continué à recevoir des commentaires et des questions sur les différents articles, irritant ainsi considérablement la société civile et différents États.

Le président a justifié cette façon de tenir la session par les circonstances et difficultés particulières liée à la pandémie. Dans les faits, le Brésil, la Russie, l'UE et la Chine, avaient secrètement notifié au président avant le début de la session leur réticence à entamer des négociations concrètes sur le contenu du traité. En conséquence, aucun nouveau développement ou compromis n'a été atteint sur les questions controversées et les négociations ont tourné en rond. Les principaux points de discorde ont porté sur le champ d'application (toutes les entreprises contre les sociétés transnationales) et la responsabilité pénale des entreprises (recommandation contre règlement).

Septième session: un sentiment d’inachevé (2021)

En amont de la septième session du 25 au 29 octobre 2021, la présidence du GTIG a publié son troisième projet révisé («Third Revised Draft»). La septième session s’est déroulée sous une forme hybride en raison de la pandémie. Selon le projet de rapport officiel, 69 États (plus d’une vingtaine d’États européens) ainsi que l'UE ont participé à la session. La Suisse était également présente. Les États-Unis, le Japon et Israël y ont participé pour la première fois. Les institutions nationales des droits de l'homme (INDH) du Danemark, de l'Allemagne, de la France et du Maroc ainsi que l'Association francophone des Commissions nationales des droits de l'homme et le Réseau européen des institutions nationales des droits de l'homme étaient également représentés. La société civile était représentée par près de 70 organisations ayant un statut consultatif auprès de l'ECOSOC. Un grand nombre d’États du Sud global ont réaffirmé leur soutien à l’élaboration d’un accord contraignant et estimé que le projet actuel constituait une bonne base de négociation. 

Après sept années d’absence, les États-Unis ont pris part aux négociations mais appelé les États membres à rejeter le traité et à s’engager dans un processus alternatif. La délégation étasunienne, secondée par ses alliés occidentaux, a en effet suggéré que le traité devait prendre la forme d’une Convention-cadre. Une proposition qui soulève l’inquiétude de la société civile, qui craint que cette idée de convention ne soit qu’une tentative stratégique pour diluer et détourner l'attention de l'instrument juridiquement contraignant actuellement en discussion.

De son côté, l’Union européenne est restée campée dans son immobilisme et n'est intervenue que ponctuellement, tout en mettant en avant son projet de législation pour un devoir de vigilance des entreprises. Pour justifier son opposition au traité, l’UE a insisté, tout comme les États-Unis, sur l’absence de consensus des États-membres et sur le caractère jugé trop «prescriptif» du projet de traité – notamment pour les dispositions relatives à la responsabilité juridique des entreprises, à la loi applicable et aux juridictions. La Chine, la Russie et le Brésil ont continué à tenter d’affaiblir les dispositions du projet de traité. 

Lors de cette septième session, les principales lignes de fracture des précédentes rencontres n’auront pas été dépassées, tant sur le champ d’application (limitation aux STN ou extension à toutes les entreprises), que sur les références et droits protégés par le droit international. Aucun accord n’a été trouvé sur les dispositions protégeant les droits des victimes, telles que la primauté des mécanismes judiciaires, l’accès à l’information et aux preuves, les recours collectifs ou le renversement de la charge de la preuve. Les divergences entre États ont également porté sur le périmètre du devoir de diligence raisonnable, le régime de responsabilité des entreprises et les compétences des juridictions.

Fait inédit, le rapport final de la session prévoit la possibilité de consultations futures avec le secteur privé lors de sommets comme le Forum économique de Davos ou le Forum des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme. Ce genre d’approche «multi-parties prenantes» inquiète la société civile, qui a depuis longtemps documenté les cas de «capture du régulateur» (corporate capture) par des intérêts privés. Enfin, la présidence du GTIG a suggéré de créer un «Groupe des Amis de la Présidence» pour faciliter les négociations en vue de la huitième session; un dispositif qui soulève certaines inquiétudes au sujet de la procédure de nomination, du pouvoir de décision ou encore de l’inclusion ou non de la société civile. Celle-ci insiste à ce que ce groupe soit établi de manière transparente. A l'issue de la semaine de négociations, la Campagne mondial a émis un certain nombre de revendications pour la poursuite du processus.

Huitième session: entre confusion et enlisement relatif (2022)

La 8ème session du GTIG s’est tenue au Conseil des droits de l’homme du 24 au 28 octobre 2022 dans un climat tendu pour des raisons de divergences de fond sur le contenu de la 3ème version révisée du projet de traité en discussion.

L’événement, qui a convié les délégations de 67 États et de l’UE, les INDH française et allemande, et une bonne soixantaine d’ONG, «n’a, au-delà de propositions d’amendements sur des détails, apporté aucune modification importante au texte en discussion» comme le résume dans son rapport détaillé, le Groupe de travail «Entreprises transnationales et droits humains» de la Plateforme suisse des ONG pour les droits humains présidé par FIAN Suisse. L’UE qui, bien qu’elle ait contribué aux réflexions relatives à la responsabilité juridique à travers le prisme de sa récente proposition de directive, n’a, tout comme la Suisse, toujours pas de mandat de négociation. Les interventions des pays occidentaux, en particulier celles des États-Unis, ont surtout visé à rendre le texte moins «prescriptif», davantage conformes aux normes de conduite volontaires et étendu à toutes les entreprises.

Si les lignes de fractures n’ont pas changé, elles se sont trouvées amplifiées par la contribution informelle et inédite de la présidence du GTIG, lorsque celle-ci a préparé – par l’intermédiaire du fameux «Groupe d’Amis» créé à l’issue de la session précédente –, et transmis aux participant·e·s une série de propositions d’amendements à certains articles quelques semaines avant le début de la session.La plupart des pays du Sud dont le Groupe des pays africains (54 pays) ont enjoint la présidence à respecter le mandat du GTIG et exigé que les négociations portent bien sur le 3ème projet révisé. Une demande soutenue par la Campagne mondiale, représentant une partie de la société civile. Dans son communiqué, cette dernière a accusé la présidence du GTIG d’avoir, par cette manœuvre procédurale, non seulement entravé la méthodologie habituelle du GTIG basée sur les conclusions et recommandations des sessions précédentes, mais d’avoir aussi radicalement modifié, affaibli et dilué le projet de texte. Alors que la session s’est terminée sans consensus avec l’adoption de son rapport final, le CETIM – coordinateur de la Campagne mondiale à Genève – a d’ores et déjà confirmé son reproche des méthodes de la présidence en critiquant la nouvelle mouture du 3ème projet révisée publiée en juillet 2023.

Neuvième session: projet actualisé et texte affaibli (2023)

La neuvième session s’est déroulée entre le 23 et le 27 octobre 2023. En amont de la session, la Campagne mondiale avait exprimé sa profonde inquiétude quant à la mise à jour du projet de traité publiée en juillet 2023 par le Président du Groupe de travail intergouvernemental sur les sociétés transnationales: si la dernière mouture du projet de traité présenté par l’Equateur incorpore certaines demandes et propositions provenant de certains États et d’organisations de la société civile, son contenu a été considérablement affaibli, notamment les articles 6 à 9, qui constituent pourtant des piliers du futur traité. Selon le CETIM, en omettant d’imposer des obligations aux sociétés transnationales et en étendant le mandat à toutes les entreprises («all businesses»), la version proposée dénature en effet le mandat du groupe de travail: de réglementer des entités qui échappent à la justice en raison de leur caractère transnational et des lacunes du droit international. Le groupe africain, composé de 55 pays, a demandé que le texte révisé soit retiré de la table des négociations pour être remplacé par un nouveau.

L’engagement des ONG

Au niveau international, un très large consortium de centaines d'ONG continue de faire campagne pour la création rapide d'un accord international juridiquement contraignant sur la réglementation des droits humains des sociétés transnationales. Les ONG ont leur mot à dire lors des sessions du groupe de travail. Ils organisent également des événements en marge de la session officielle. À l'extérieur du Palais des Nations, la Campagne mondiale pour la souveraineté des peuples, le démantèlement du pouvoir des entreprises et la fin de l'impunité proposera des activités et des ateliers lors de chaque session.

Au cours de la première session, certaines ONG ont fait une remarque critique sur l'importance d'inclure les victimes de violations des droits de l'homme par des sociétés transnationales dans la rédaction de l'accord. Certaines ONG se sont fait l'écho des critiques de l'UE et souhaitent que les entreprises exclusivement nationales soient couvertes par le nouvel accord.

Les ONG sont restées actives pendant la deuxième session et ont exprimé leur soutien à un futur accord par de nombreuses interventions. Lors de la troisième session, les ONG ont participé par de nombreuses déclarations orales et 15 déclarations écrites commentant les éléments d'un accord proposé par le président. Un dernier panel a permis aux représentant·e·s de groupes spécifiquement affectés par les violations des droits de l'homme par les entreprises de présenter leurs cas. Lors des quatrième et cinquième sessions, la société civile était encore plus fortement représentée avec plus de 50 organisations. Malgré des conditions de participation difficiles dues à la pandémie de coronavirus, la participation de la société civile a augmenté pour atteindre environ 80 organisations lors de la sixième session puis 70 organisations lors de la septième session. 

Documentation

Pour des informations et documentations complètes, veuillez svp vous référer au site de FIAN Suisse (en allemand).

Documentation du groupe de travail intergouvernemental de l’ONU sur les STN et autres entreprises et les droits humains (GTIG):

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