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La stérilisation forcée des personnes transgenres viole les droits humains

04.05.2017

La Cour européenne des droits de l’homme (CrDEH) a rendu un jugement d’importance pour les personnes transgenres.  D'après elle, le fait de conditionner la reconnaissance de leur identité sexuelle à la réalisation d’une opération ou d’un traitement stérilisant qu’elles ne souhaitent pas subir viole le droit à la vie privée, garantit par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

La Cour invalide par ce jugement une pratique encore en vigueur en Suisse.

L’arrêt

Dans son arrêt du 6 avril 2017, la CrEDH se penche sur le cas de trois personnes transgenres de nationalité́ française qui souhaitaient changer la mention de leur sexe et de leurs prénoms sur leur acte de naissance et qui se sont heurtées au refus des juridictions françaises. Si la Cour a renoncé à statuer dans un des trois cas, elle a cependant reconnu une violation de l’article 8 CEDH dans les deux autres affaires.

S’agissant de la condition de réalité du syndrome transsexuel posée par le droit français pour faire valoir les demandes de changement de sexe, la Cour a considéré qu’il ne s’agissait pas là d’une violation de l’article 8 CEDH. Elle a souligné le consensus européen en la matière et le fait que les États conservent une large marge d’appréciation quant à la décision de poser une telle condition.

Situation en Suisse

En France, la condition du changement de sexe irréversible pour les personnes transgenres qui souhaitent changer de sexe à l’état civil a été abolie en juillet 2016. L’arrêt de Strasbourg n’a donc pas de rôle majeur pour ce volet-là dans l’Hexagone. Il devrait cependant avoir un impact sur les pays qui n’ont pas encore fait le pas de la simplification de l’inscription à l’état civil des personnes transgenres.

Pays dont la Suisse fait partie, puisque, sur la base d’un arrêt du Tribunal fédéral de 1993 (ATF 119 II 264), elle maintient le critère de l’irréversibilité du changement, même si celui-ci entraîne une stérilisation non voulue.  

En 2012, l’Office fédéral de l’Etat civil (OFEC) a publié un avis de droit stipulant qu’il n’y avait pas nécessité d’une intervention chirurgicale comme préalable à la constatation juridique du changement de sexe. L’OFEC s’est fondé principalement sur l’arrêt de la Cour suprême de Zurich du 1er février 2012, qui soutient qu’une telle obligation viole l’intégrité corporelle et le droit à la vie privée des personnes concernées. Elle devrait par ailleurs reposer sur une base légale, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

L’arrêt de la CrEDH va dans le même sens. Les autorités helvétiques n’ont donc plus ni raison ni légitimité à prolonger une pratique qui devrait cesser au plus tôt.

Réactions de la société civile

Pour Transgender Europe (TGEU), l’arrêt est historique et fera jurisprudence, marquant la fin de la stérilisation forcée pour les personnes transgenres. L’organisation regrette cependant que l’arrêt n’ait pas été assez loin et déclarant également inacceptable la condition d’un avis psychiatrique.

En Suisse, Transgender Network Switzerland s’ést également félicité de l’arrêt. Pour l’organisation, ce jugement montre en outre à quel point la Cour européenne des droits de l’homme est importante pour la Suisse