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Conférence de Brighton: les réformes vont dans la mauvaise direction

01.06.2012

Fin avril 2012, s’est tenue à Brighton la troisième conférence sur la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH). Les résultats en sont mitigés et plusieurs observateurs relèvent que les ministres des États ne sont pas attaqués aux difficultés de fond. Pour eux, le problème n’est pas la surcharge de travail de la CrEDH, largement dénoncée à Brighton, mais le manque de coopération de certains États dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Sans oublier, le fait que trop d’États négligent encore d’assurer les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). 

Mains libres pour les États?

Président du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, c’est le Royaume-Uni qui a organisé cette troisième conférence sur l’avenir de la CrEDH. Voilà qui n’est pas anodin si l’on se rappelle que le gouvernement conservateur de David Cameron s’est dernièrement et à plusieurs reprises publiquement opposé à la CrEDH (voir article en lien interne). C’était donc sans surprise que les propositions britanniques tendaient globalement à réduire et soumettre la CrEDH sous couvert de la réformer pour plus d’efficacité. L’affirmation d’une très large marge de manœuvre des États ainsi que la volonté d’insertion d’un nouveau critère de recevabilité illustraient éloquemment les intentions plus qu’ambiguës du gouvernement britannique. 

Défaite britannique et victoire européenne?

Inquiets de ces tentatives, nombre d’ONG et d’États ont été soulagés de voir que les modifications contenue dans la Déclaration finale sont moins restrictives que ce que l’on aurait pu craindre. La Open Society Justice Initiative, l’une des 90 organisations qui avaient, ensemble, exprimé leur crainte face aux propositions britanniques, s’est déclarée vivement satisfaite du résultat. De même qu’un observateur compétent sur le site de la CrEDH.

Pourtant, cet échec relatif du RU ne donne pas toute victoire à la Cour. Comme le signale Nicolas Hervieu sur le blog du Monde, «si la Cour européenne des droits de l’homme a formellement le dernier mot, il n’est pas certain que la déclaration de Brighton lui confère pleinement les moyens de s’exprimer en toute liberté».

Les changements

Deux modifications amenées par la déclaration sont notamment en question. Ainsi, le préambule de la Convention européenne des droits de l’homme sera modifié de façon à intégrer une référence explicite au principe de subsidiarité et à la doctrine de la marge d’appréciation. Par ailleurs, les conditions de recevabilités seront également en partie modifiées. Alors qu’un requérant pouvait poser une recours à Strasbourg jusqu’à 6 mois après le rendu de la décision finale nationale, il n’aurait désormais plus que quatre mois. Ce raccourcissement, sans soulager aucunement la Cour déjà débordée, ne manquera pas d’avoir un impact négatif sur la qualité des recours. Il rendra par ailleurs plus compliqué encore l’accès à la CrEDH pour les personnes disposant de peu de moyens économiques et qui n’ont ainsi par l’argent pour engager un avocat assez qualifié pour travailler dans une telle urgence.

Et la responsabilité des États?

Ces mesures ainsi que l’ensemble des débats ont montré clairement que les États ne s’attaquent pas au problème principal, à savoir leur propre responsabilité dans la mise en œuvre des garanties de Convention européenne des droits de l’homme. Les observateurs sont unanimes en ce sens et considère de ce point de vue la Conférence de Brighton comme consternante. Comme l’a souligné le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland, les vraies raisons des dysfonctionnements de la CEDH ne sont pas à chercher nécessairement à Strasbourg, mais plutôt dans les États signataires de la CEDH, qui ne l’appliquent pas correctement sur leurs territoires. Ils provoquent ainsi un énorme afflux de plaintes à la CEDH, alors que leurs auteurs auraient dû obtenir satisfaction sur place, chez eux. La Russie, l’Ukraine, la Turquie et l’Italie sont notamment en cause.

Pour plusieurs observateurs, ce qui serait plus efficace contre le surmenage de la Cour  serait en effet bien plus l’augmentation des moyens à dispositions et l’adoption de réelles mesures de sanction à l’encontre des États qui persistent à ignorer un arrêt de la Cour.

Et la suite?

Les ministres des 47 États membres du Conseil de l’Europe ont désormais adopté la déclaration de Brighton. Celle-ci prévoit un paquet pour réformer la CrEDH. Le projet rédactionnel pour le protocole facultatif n° 15 doit être prêt d’ici à la fin 2013, avant d’être discuté au sein du Conseil des ministres ou d’une nouvelle conférence. 

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