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Discrimination - dossier

Loi sur l’égalité femmes-hommes

30.04.2020

Avec l’entrée en vigueur, le 1er juillet 1996, de la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (Loi sur l’égalité, LEg) a été inscrit dans le droit suisse pour la première fois – et pour la seule jusqu’à présent – un instrument juridique spécial de protection contre la discrimination directement applicable pour les particuliers également. Grâce à la Loi sur l’égalité, qui pourvoit conformément à l’art. 8 al. 3 Cst. l’égalité de fait entre femmes et hommes dans les relations professionnelles entre particuliers et dans les rapports de travail de droit public (art. 1 s. LEg), les femmes et les hommes peuvent s’opposer plus facilement aux discriminations auxquelles ils font face dans le contexte professionnel et se prévaloir du principe de l’égalité salariale inscrit dans la Constitution.

La loi interdit la discrimination directe et la discrimination indirecte des employé-e-s fondée sur le genre. Elle condamne de manière explicite les discriminations fondées sur l’état civil, la situation familiale ou, s’agissant de femmes, sur la grossesse (art. 3 al. 1 LEg). L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à l'embauche, à l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail (art. 3 al. 2 LEg). Les «mesures appropriées visant à promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes» ne tombent pas sous le coup de l’interdiction de discriminer (art. 3 al. 3 LEg). La loi considère comme discriminatoire et condamne le harcèlement sexuel, à savoir «tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle» (art. 4 LEg).

Accès facilité à la justice

Les dispositions suivantes doivent permettre de faciliter la mise en œuvre des droits inscrits dans la loi (art. 5 LEg):

Renversement du fardeau de la preuve

Les victimes ne sont pas tenues d’apporter la preuve de la discrimination si elles sont en mesure de la rendre vraisemblable. Dès lors que la discrimination est présentée de manière vraisemblable, c’est à l’employeur ou à l’employeuse qu’il appartient de prouver qu’il ou elle ne s’est pas rendu-e coupable de discrimination ou que l’inégalité de traitement repose sur des motifs objectifs (p. ex. un rendement inférieur, une qualification moins élevée ou tout autre critère non genré sur lequel ne se fonde aucune discrimination indirecte). Si l’employeur ou l’employeuse ne parvient pas à apporter la preuve nécessaire à le ou la disculper, la plainte doit être jugée recevable. Le renversement du fardeau de la preuve s’applique à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail, mais pas au harcèlement ni à la discrimination à l’embauche (art. 6 LEg).

Droit de recours pour les organisations

Les organisations qui sont constituées depuis deux ans au moins et qui ont pour tâche, en vertu de leurs statuts, de promouvoir l'égalité entre femmes et hommes ou de défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses ont qualité pour agir en leur propre nom en vue de faire constater une discrimination, lorsqu'il paraît vraisemblable que l'issue du procès affectera un nombre considérable de rapports de travail. Avant d'ouvrir la procédure de conciliation ou d'introduire action, elles doivent donner à l'employeur concerné ou l’employeuse concernée la possibilité de prendre position (art. 7 LEg).

Protection contre le licenciement

Un licenciement peut être annulé s’il ne repose sur aucun motif justifié et qu’il fait suite à une réclamation portant sur une discrimination (congé de rétorsion), au contraire d'un licenciement reposant sur d'autres raisons. La loi prévoit pour ces cas une protection contre le congé durant toute la durée des démarches effectuées au sein de l'entreprise, durant la procédure de conciliation et durant toute la durée du procès, de même que pendant le semestre qui suit la clôture des démarches ou de la procédure. Le ou la juge peut ordonner le réengagement provisoire du travailleur ou de la travailleuse pour la durée de la procédure. Le travailleur ou la travailleuse peut également renoncer, au cours du procès, à poursuivre les rapports de travail et demander une indemnité (Art. 10 GlG).

Gratuité de la procédure

Selon la Loi sur l’égalité, les procédures sont gratuites (art. 113 et 114 CPC). Toutefois, les frais d’avocat ainsi que l’indemnisation éventuelle des frais de la partie qui a obtenu gain de cause doivent être pris en charge.

Maxime inquisitoire

En cas de litige s’applique en général la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge ou la juge établit les faits d’office et évalue les preuves selon sa libre appréciation. Il ou elle n’est pas tenu-e, contrairement à ce qui est d’usage dans les procédures civiles, de se prononcer uniquement sur les arguments apportés par les parties et n’est pas non plus lié-e aux réquisitions de preuves des parties (art. 247 CPC).

Procédure de conciliation

Les cantons sont tenus de mettre sur pied des organes de conciliations, qui offrent des conseils gratuits aux parties (art. 197 ss. CPC).

Promotion de l’égalité hommes-femmes dans la vie professionnelle

Outre les droits individuels et les allègements de procédure susmentionnés, la loi contient également des instruments politiques visant à atteindre l’égalité entre hommes et femmes. Ainsi, elle inscrit comme compétence de la Confédération la capacité d’adopter des mesures pour combattre les obstacles structurels à l’égalité. En effet, la Confédération peut allouer des aides financières à des programmes d’encouragement et des services de consultation dans le but d’éliminer les désavantages objectifs auxquels font face les femmes (attentes sociales, répartition des tâches dans la famille, etc.) (art. 14 s. LEg).

En outre, la LEg contient à l’art. 16 LEg la base légale nécessaire au Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG). Celui-ci informe la population, conseille les particuliers et les autorités, procède à des études, recommande des mesures à l’intention des autorités et des particuliers, participe à des projets d’intérêt national, participe à l’élaboration des actes normatifs édictés par la Confédération qui sont pertinents pour la réalisation de l’égalité, examine les demandes d’aides financières et contrôle la mise en œuvre des programmes d’encouragement.

Arrêts relatifs à la loi sur l’égalité

Les décisions des tribunaux fondées sur la loi sur l’égalité sont recueillies dans trois banques de données:

  • Entscheide nach Gleichstellungsgesetz
    Base de données des décisions relatives à l’égalité hommes-femmes dans les cantons suisses alémaniques
  • leg.ch
    Base de données des décisions relatives à l’égalité hommes-femmes en Romandie
  • Sentenze parità
    Base de données des décisions relatives à l’égalité hommes-femmes au Tessin

Evaluation de la loi sur l’égalité

En 2006, le Conseil fédéral a procédé à une analyse qualitative et quantitative de l’efficacité de la Loi sur l’égalité. Dans son rapport, il aboutit à la conclusion que la loi sur l’égalité a incontestablement des effets positifs, soulignant qu’elle met à la disposition des personnes concernées par une discrimination des instruments leur permettant de faire valoir leurs droits. Par ailleurs, la Confédération précise qu’aucun défaut majeur n’a pu être mis en évidence et qu’aucun besoin urgent de révision n’a pu être constaté. Néanmoins, elle concède que la loi sur l’égalité ne peut pas, à elle seule, réaliser l’égalité dans les rapports de travail. Malgré des réglementations identiques pour les femmes et les hommes, les femmes restent confrontées à des discriminations en raison de l’attribution des rôles et de la répartition des tâches.

Une étude de l’Université de Genève faisant le bilan de 200 décisions de justice cantonale en matière de discrimination et publiée en juin 2017 parvient de son côté à un bilan beaucoup plus critique. Un peu plus de vingt ans après son entrée en vigueur, la Loi sur l’égalité reste ainsi méconnue du monde judiciaire, notamment des juges qui ne l'utilisent pratiquement pas, et du monde du travail (voir notre article sur l'étude)

Analyse de l'égalité salariale

À partir du 1er juillet 2020, un amendement à la loi sur l'égalité entre hommes et femmes entrera en vigueur pour améliorer l'application de l'égalité salariale. Les nouvelles dispositions obligent les entreprises de 100 salarié·e·s ou plus à effectuer une analyse interne de l'égalité salariale dans un délai d'un an. Si une différence de salaire systématique inexpliquée entre les femmes et les hommes est identifiée, l'analyse doit être répétée tous les quatre ans. L'enquête est ensuite examinée par un organisme indépendant et les résultats sont communiqués aux employé·e·s.
Le Parlement a adopté l'amendement à la loi sur l'égalité le 14 décembre 2018, et le délai référendaire a expiré le 7 avril 2019 sans avoir été utilisé. Les entreprises ont un an pour effectuer la première analyse de l'égalité salariale. La durée de validité de l'amendement est limitée à douze ans et expirera automatiquement le 1er juillet 2032. 

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